Dépistage du cancer du sein : bravo les Canadiens !

Par le 12 août 2024, actualisé le 13 Août 24.

Les méthodes du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs sont remarquables, à beaucoup de points de vue. La mise à jour de ses recommandations sur le dépistage du cancer du sein en témoigne, et participe des progrès vers une meilleure démocratie sanitaire. Les institutions françaises feraient bien de s’en inspirer.

Un groupe pluridisciplinaire large

Le groupe d’étude chargé du dépistage est présidé par une médecin généraliste et inclut 19 membres, dont un chirurgien, un radiologue, un oncologue (c’est-à-dire cancérologue) et un radio-oncologue ainsi qu’une infirmière et des spécialistes de méthodologie en recherche et en médecine. Il a aussi inclus trois patients partenaires. Les personnes qui avaient des liens d’intérêt (par exemple, radiologue ou oncologue) ont participé aux discussions, mais n’ont pas eu droit de vote. 

Une étude complète des articles publiés dans le domaine 

La version actuellement publiée repose sur l’examen de 165 publications récentes, qui comprennent des essais comparatifs randomisés (la forme d’étude qui donne habituellement les meilleures certitudes en médecine), mais aussi des études d’observation, des modélisations mathématiques et diverses données.
Le groupe de travail a étudié les effets bénéfiques et les effets indésirables du dépistage. Il a aussi examiné les données sur les préférences des femmes, ce qui est (malheureusement) bien rare. 

Une version provisoire avant publication définitive 

Le document publié fin mai 2024 est un « brouillon ». Autrement dit, c’est une version provisoire, soumise à la critique publique, à la fois des professionnels de santé et du grand public. Elle s’accompagne d’un questionnaire que chacun peut remplir pour critiquer le texte.
Après la fin de la période d’examen public (qui s’achève le 30 août 2024), les recommandations seront revues et corrigées pour devenir définitives.

Les seins des femmes ne sont pas un organe comme les autres.
Ils ont une place à part dans l'imaginaire personnel et collectif de chacun.
C'est ce que montre leur place dans les arts plastiques (peinture, dessin, sculpture) depuis des milliers années.
En tenir compte en médecine serait un progrès important.

Prise en compte de l’avis des femmes 

Le groupe de travail a donc examiné l’ensemble des données scientifiques concernant l’efficacité et les effets indésirables du dépistage du cancer du sein, ainsi que les avis et conclusions d’autres groupes de travail, comme le groupe américain USPSTF. Comme bien d’autres groupes avant lui, il a conclu que les essais scientifiques aboutissaient à des « données de très faible certitude ». Autrement dit, on a plus de doutes que de certitudes concernant les bénéfices et les risques des mammographies de dépistage.
Cette situation justifie pleinement la prise en compte des valeurs et attitudes des femmes. Car c’est bien à elles de prendre la décision d’être ou non dépistées. Et d’autant plus que personne ne peut leur affirmer avec certitude que le dépistage peut allonger leur vie ou diminuer leur risque de souffrir d’une ablation du sein. 

Attendre la version finale 

Il est évidemment impossible de deviner quelles seront les modifications apportées après la période test. Il est donc trop tôt pour commenter ici plus en détail les recommandations publiées.
Certains lobbies se sont fortement mobilisés pour obtenir des modifications. La présidente du groupe de travail a fait l’objet d’attaques violentes et prolongées sur les réseaux sociaux. De faux bruits ont été répandus. Il faut espérer que le groupe de travail pourra résister à la violence de ces attaques. La publication d’une version provisoire a pour but d’améliorer les recommandations, pas de les soumettre à la censure de groupements d'intérêts. 

Imiter un travail remarquable

Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs nous a habitué depuis de longues années à une grande qualité dans la recherche documentaire et de l’argumentation de ces recommandations, qui sont souvent des modèles du genre.
Il nous propose de faire encore des pas en avant en soumettant son travail à une critique ouverte et publique, et en tenant compte de l’avis des personnes concernées, c’est-à-dire des femmes. On notera que c’est déjà la position qu’avait pris la Concertation citoyenne et scientifique française (« Ensemble, améliorons le dépistage du cancer du sein »). Mais ses conclusions n’ont pas vraiment été suivies par l’Institut national français du cancer (l’INCa) qui a été tenté d’instaurer une censure sur les données de santé au lieu de s’ouvrir aux opinions contradictoires.
La démocratie sanitaire a encore un long chemin à parcourir. Il s’agit de reconnaître véritablement, dans la pratique, le droit des citoyennes et des citoyens à prendre leurs propres décisions concernant leur santé, même lorsque ces décisions sont contraires à l’avis du corps médical. C’est évidemment un enjeu majeur pour la société. Les institutions françaises feraient bien d'imiter les Canadiens.

Lire aussi :  
 – "Sous le radar : méfaits cachés du dépistage du cancer du sein
 – "Cancer Rose
 – "L’Institut national du cancer tenté par la censure
 – "Incitations financières au dépistage et éthique"

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Sources : 
- Groupe d’études canadien sur les soins de santé préventifs "Cancer du sein (mise à jour) : recommandations provisoires (2024)" site internet canadiantaskforce.ca , dernier accès le 12 août 2024.
- Larkin M "New Canadian BC Guidelines Emphasize Personal Choice" Medscape, 09 juillet 2024.
- Ensemble, améliorons le dépistage du cancer du sein, Concertation citoyenne et scientifique "Rapport du comité d'orientation", septembre 2016.

Crédits photo :
- Image n°1 : "Palau de la musica catalana (plafond)" © Jean Doubovetzky 
- Image n°2 : "Gros plan de "Walking in beauty", bronze de Coderch et Malavia (2022)" © Jean Doubovetzky

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Dépistage du cancer du sein : bravo les Canadiens !" ; 12 Août 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-actualites/depistage-du-cancer-du-sein-bravo-les-canadiens-1/)
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