Violences obstétricales ou gynécologiques

Par le 26 février 2022, actualisé le 28 Fév 22.

Les médecins sont des humains : capables d'abus, de violence et de crime, comme les autres. Leur situation de domination en consultation peut les entraîner au pire. Les témoignages des femmes qui en ont été victimes sont glaçants.

On n'a évidemment jamais envie de penser qu'une personne à qui on fait confiance, entre les mains de qui on remet sa santé, parfois sa vie, est susceptible d'abuser de la situation pour vous faire du mal.
Pourtant les médecins sont des humains comme les autres. Ils se trouvent en situation de pouvoir, face à des patients qui sont forcément dans la demande et souvent dans la soumission. Les médecins ont souvent une supériorité sociale. Et ils ont un prétexte technique pour faire se déshabiller les personnes et les toucher. Cet ensemble crée de toute évidence des tentations de dérapages et donc, à n'en pas douter, de réels dérapages.

De nombreux types de violences obstétricales ou gynécologiques

La profession peut être fière d'avoir développé seule, et depuis longtemps, des règles déontologiques. Mais elle peut aussi s'interroger sur l'indulgence de l'Ordre des médecins face aux abus, aux manquements et parfois aux crimes de certains médecins.

Les violences obstétricales ou gynécologiques ont été définies par un collectif de femmes comme un ensemble comprenant :

  • Le non-suivi des bonnes pratiques médicales par les professionnels de santé
  • La non-application de la loi Kouchner sur le consentement libre et éclairé
  • Des actes ou examens médicaux faits sans anesthésie efficace
  • Le mépris et la non-prise en compte de la douleur
  • Le non respect de la physiologie de l’accouchement
  • Le non-respect des choix de la patiente
  • le sexisme, le racisme, la grossophobie, la discrimination liée à l'orientation sexuelle, l’infantilisation, la vulgarité, le non respect de l’intimité, etc.

On pourrait croire que les faits sont rares. Je n'en suis pas si certain. Lorsqu'on tend l'oreille, de nombreuses femmes témoignent. C'est ce que rapportent par exemple Martin Winckler et le collectif Stop-vog. Je remercie ce dernier de m'avoir permis de reproduire ici quelques récits parmi plusieurs dizaines que des femmes lui ont adressé. Les mots entre crochets sont de mon fait.

ATTENTION : les témoignages qui suivent peuvent être difficiles à supporter pour les personnes sensibles.

Le "point du mari"

Au moment de l'accouchement, l'accoucheur ou l'accoucheuse fait parfois une incision [épisiotomie] pour aider au passage de l'enfant. Cette incision est parfois faite abusivement, "en prévention", alors qu'elle est inutile. Au moment de recoudre, le "point du mari" consiste à faire "un point de trop" pour rétrécir le vagin, soit-disant pour améliorer le plaisir du partenaire sexuel de la femme. Sans demander son avis à la patiente, bien entendu...

« Trois mois après mon accouchement, les saignements se stoppent enfin et je tente un rapport sexuel. Je hurle et mon chéri sent bien que ça bloque. Là, il me dit que la sage-femme avait dit avoir "recousu serré, sinon il ne sentirait plus rien". Elle a fait le point du mari ! Il n'a pas compris sur le moment et ne m'en a pas parlé. Il ne savait pas qu'une telle pratique existait encore... » (2020, Hôpital intercommunal de Villeneuve-St-Georges)
« Il sort les forceps [sortes de spatules destinées à prendre le bébé par la tête pour l'aider à sortir], me fait une épisiotomie et va chercher le bébé, sans m'expliquer ni me prévenir. Je vois du coin de l'œil la sage-femme remonter la péridurale, mais trop tard. La douleur est atroce... Je hurle et le gynéco me dit de me taire. Je fais un malaise à cause de la douleur. Le gynéco me recoud et la sage-femme me dira plus tard qu'il a fait un point en trop. Elle me l'enlèvera sans rien dire au gynéco. j'ai compris qu'il s'agissait du point du mari, des années plus tard. » (2008, hôpital du Chinonais)

Intrusion dans la vie privée

« Parole de ma première gynécologue : "Je ne comprends pas pourquoi les gens de votre communauté attendent le mariage pour avoir un rapport.... Ce qu'il vous faut, c'est perdre quelques kilos. Je vous laisse vous diriger au 3e étage vers la nutritionniste... » (2016, Les Pavillons sous bois)
« J'ai 19 ans et je me rends chez mon gynécologue car j'ai des problèmes pour avoir des relations sexuelles avec mon petit copain. Il me répond : "Ah bon ? Et il est encore là ?" Puis il passe à l'examen gynécologique. Je suis très stressée, donc tendue... Il me met une fessée pour me détendre et enfoncer le spéculum. » (2001, CH de Laval)
« La consultation ne se passe pas bien. Je dois me défendre sur chaque sujet, chaque question. Au moment de l'examen, je suis très mal à l'aise car le docteur n'arrive pas à m'examiner correctement et il se moque de moi. Il dit des phrases comme "Vous n'avez jamais eu de relation sexuelle ou quoi ?" d'un ton moqueur et agressif... Il m'annonce les pires conséquences médicales alors que tous les examens n'ont pas encore été réalisés. Finalement je n'aurai rien de tout ce qu'il m'a annoncé. » (2001, CH de Laval)
Ce n'est pas parce que la gynécologie impose parfois
des gestes techniques et l'utilisation d'instruments que cela doit conduire à
considérer le corps de la femme comme un objet.

Césarienne sans anesthésie

« Le rythme cardiaque du bébé était parfaitement normal et les paramètres vitaux de la mère également. [le témoin explique qu'il n'y avait donc aucune urgence pour justifier la suite] (...) L'ambiance est détendue jusqu'à ce que le gynéco entre dans le bloc. Très stressé, agité sans aucune raison, il désinfecte le ventre de la patiente rapidement et alors que l'anesthésie ne fait pas encore pleinement effet, il commence à inciser son ventre. Celle-ci hurle de douleur... » (2018, CH Annecy Genevois)

Viol en blouse blanche

« L'examen commence. Une minute top chrono : examen abdominal, toucher vaginal [le médecin enfonce deux doigts dans le vagin] sans prendre en considération ses douleurs. Elle se crispe et demande d'arrêter. Arrive le toucher rectal [le médecin enfonce un doigt dans l'anus], fait brusquement, sans prévenir. La patiente avait pourtant dit non ! Sans lui expliquer au préalable que cela était nécessaire, sans prendre de précaution en lui expliquant le but, en la rassurant par le fait d'y aller délicatement et de s'arrêter si c'était trop difficile pour elle. Non, rien de tout ça. Il l'a fait et a continué alors que la patiente disait "je ne veux pas". » (2020, Hôpital Tenon)
« J'étais à peine majeure. Après m'avoir fait subir un toucher rectal sans aucune précaution.En me voyant en pleurs, malgré mon jeune âge, il m'a fait subir trois touchers rectaux par trois étudiants présents le jour de mon examen. Ses mots ont été : "vous n'avez pas le choix". Je suis sortie complètement choquée de mon rendez-vous (...) Abus de pouvoir, viol (a). » (2005, Hôpital Tenon)
« Enceinte à dix-neuf ans et souhaitant avorter, j'ai dû faire une échographie pelvienne (...) C'était la première fois(...) l'échographe a enfoncé la sonde dans le vagin sans me prévenir. J'ai eu un mouvement de surprise tout en reculant. Sa phrase, je m'en souviendrai toute ma vie : "Oh Mademoiselle, c'est bon... si vous êtes là, c'est que vous en avez vu d'autres". » (2009, Toulouse)

Je ne peux m'empêcher de rêver : et si, dès les premières années d'étude, on enseignait aux futurs médecins le respect des patientes et des patients, la nécessité d'expliquer toujours ce qu'on veut faire et le caractère indispensable du libre consentement de la patiente ou du patient... D'autres pays que la France semblent fort bien y arriver...

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a- Pour le Code pénal français (Article 222-23) : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. » On notera que le texte ne tient pas compte du but ou de l'intention de l'auteur. Seul compte le fait que la personne n'ait pas librement consenti à la pénétration.

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Crédit photo : "The diagnosis and treatment of diseases of women" (1907), page 94
Internet Archive Book Image sur VisualHunt

Sources

- Les témoignages proviennent de la page facebook "Stop aux violences obstétricales et gynécologiques" - En parcourant la page, vous pourrez en trouver plusieurs dizaines d'autres.
- Winckler M "Les brutes en blanc - Pourquoi y a-t-il tant de médecins maltraitants ?" Flammarion, Paris 2016 et Points, Paris 2017.
- Prescrire rédaction "Usagers et soignants, ensemble pour réduire le taux d'épisiotomies" Rev Prescrire 2013 ; 33 (361) : 866.
- Code pénal. Article 222-23. Légifrance. Site internet www.legifrance.gouv.fr
- Levy E "Les violences obstétricales et gynécologiques appréhendées par le droit" 18 janvier 2022. Village de la justice. Site internet www.village-justice.com


Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Violences obstétricales ou gynécologiques" ; 26 Fév 2022 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-histoires-vraies/violences-obstetricales-ou-gynecologiques/)
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