Vitamine D chez les enfants : soyons raisonnables !

Par le 8 avril 2024, actualisé le 08 Avr 24.

En France métropolitaine, un supplément de vitamine D est recommandé chez tous les nourrissons jusqu’à l’âge de 1 an. Entre les âges de 1 et 5 ans, il peut être utile tant que dure l’allaitement, et peut-être (sans preuve) en cas de facteur de risque de carence : obésité, peau noire, absence d’exposition au soleil, diminution des apports.

Le manque de vitamine D provoque essentiellement des troubles de l'absorption du calcium et de sa fixation dans l'os, qui devient fragile. Chez les enfants en croissance, c'est le rachitisme, qui provoque des déformations osseuses. On la prévient en donnant systématiquement de la vitamine D aux nourrissons, et on n'observe plus guère de rachitisme que dans les pays pauvres.

Les recommandations du Dr Knock

En 2022, une société savante a recommandé une supplémentation en vitamine D à tous les enfants… jusqu’à l’âge de 18 ans… tout en admettant qu’il n’existait aucune preuve de l’utilité de cette recommandation.
Intriguée, une association indépendante (le Formindep) a fait une simple vérification sur la base de données officielle "Transparence santé". Elle a ainsi montré que sur 16 "experts" de la société savante, 14 avaient reçu des "avantages" ou signé des "conventions" avec des industriels du médicament. Parmi eux, 9 ont touché plus de 5 000 euros et 7 ont touché plus de 15 000 euros… Voilà donc des recommandations qu’il est tout à fait important de NE PAS suivre !

Les risques de la vitamine D

Leurs auteurs des étranges recommandations de 2022 avertissent que les écouter « conduit pour la plupart des individus à des apports très supérieurs à leurs besoins réels. » Mais ils oublient de rappeler que prendre inutilement de la vitamine D expose à des risques.
Un surdosage régulier peut provoquer des calculs rénaux, par exemple. Et un surdosage accidentel important peut provoquer une hypercalcémie, c’est-à-dire un excès important de calcium dans le sang, pouvant provoquer une déshydratation, une confusion mentale, voire un coma. Ce type de surdosage a été observé dans des cas où les personnes ont confondu des ampoules buvables très dosées (à donner une fois tous les 3 mois) avec des gouttes à donner tous les jours.

Les recommandations de 2024

En mars 2024, le conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants a effectué une recherche sur les données disponibles concernant la supplémentation en vitamine D chez les enfants. Ses recommandations sont fondées sur les données des essais et aussi sur des observations épidémiologiques. Elles sont argumentées et référencées.
Les déclarations publiques d’intérêt publiées sur la base de données "Transparence santé" ne montrent pas de conflit d’intérêt, mais malheureusement, seulement 4 membres du conseil scientifique sur 16 ont déposé une déclaration publique d’intérêt. Ce qui est tout à fait anormal.

Chez les enfants, les carences en vitamine D sont exceptionnelles

La vitamine D est en grande partie fabriquée par la peau, sous l'action de la lumière du soleil (a). Le reste provient de l'alimentation. La vitamine D est mise en réserve dans les tissus adipeux et les muscles pour être utilisée en cas de besoin.
Les carences en vitamine D chez les enfants ont largement diminué depuis qu’une supplémentation en vitamine D a été recommandée chez tous les nourrissons dans les années 1960. Actuellement, sur 100 000 enfants, on n’en observe que 3 cas par an. Il s’agit d’enfants allaités qui n’ont pas reçu de supplémentation vitaminique avant l’âge de 5 ans et plus rarement d’enfants ayant d’autres facteurs de risque de carence (obésité, peau noire, absence d’exposition au soleil, diminution des apports).

Photos de 1870-1871. Larousse médical illustré 1924.
Il y a un siècle, les carences en vitamine D étaient à l'origine de nombreux cas de rachitisme en Europe. Cette maladie a pratiquement disparu en France avec l'administration systématique de vitamine D aux nourrissons jusqu’à l’âge de 1 an.

Vitamine D pour tous jusqu’à l’âge de 1 an

Le conseil scientifique du CNGE recommande un apport en vitamine D chez tous les nourrissons vivant en France, jusqu’à l’âge de 1 an. Il précise bien qu’on ne dispose pas d’essai comparatif de bonne qualité permettant d’affirmer que cette supplémentation est utile. Mais puisque la supplémentation en vitamine D instaurée chez les nourrissons dans les années 1960 a été efficace et n’a pas provoqué d’effets indésirables notables, autant la poursuivre.
Entre les âges de 1 et de 5 ans, on peut poursuivre la supplémentation chez les enfants nourris au sein, et éventuellement (malgré l’absence de preuve d’une utilité) chez les enfants supposés à risque de carence : ayant une obésité ou une peau noire.

Pas de Vitamine D après l’âge de 5 ans

Au-delà de l’âge de 5 ans, la vitamine D est inutile. Par exemple, les essais comparatifs menés chez des enfants âgés de 6 à 13 ans n’a pas montré d’avantage à prendre de la vitamine D, même après un suivi de 3 ans.
Les partisans de la supplémentation soulignent que la vitamine D participe à de nombreux phénomènes dans le corps et qu’une carence ne se traduirait pas seulement par un risque pour les os. C’est tout à fait vrai, mais les essais n’ont pas montré qu’une supplémentation en vitamine D chez les enfants permettait d’améliorer la croissance ou le déroulement de la puberté. Ni de diminuer les risques d’allergie (dermatite atopique, rhinite allergique, asthme), ou d’infection des voies aériennes (nez, gorge, bronches, poumons). Ni de quoi que ce soit d'autre.

Un consensus raisonnable

Chez les nourrissons jusqu’à l’âge de 1 an, une dose quotidienne de 400 UI de vitamine D est suffisante. Après l’âge de 1 ans, sauf cas particulier rare, une supplémentation est inutile. Pour éviter un déficit en vitamine D, 10 minutes de marche quotidienne à l'extérieur suffisent.

a- On peut observer un manque en vitamine D chez des personnes âgées qui restent enfermées à leur domicile ou dans l'établissement où elles vivent. Mais cet article est consacré aux enfants.

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Lire aussi :
- "Vitamine D chez les enfants : les recommandations du bon Dr Knock ?"
- "Vitamine D : un dosage généralement inutile"
- "Le surdiagnostic, une notion essentielle"

Crédits images :
- n°1 - "Sunbathing" par Bruna Camargo sur Flickr
- n°2- Photos "Rachitisme" des Hôpitaux marins. Larousse médical illustré, Paris 1924 (domaine public)

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Sources :
- Conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants "Faut-il continuer à supplémenter en Vit D les enfants en bonne santé ?" Avis du 29 mars 2024, 3 pages
- Bachetta J et coll. "Vitamin D and calcium intakes in general pediatric populations: A French expert consensus paper" Archives de pédiatrie 2022 ; 29 : 312-325.
- Prescrire Rédaction "Fractures liées à une fragilité osseuse : prévention" et "Rachitisme : prévention" Premiers choix Prescrire, mise à jour nov. 2020, 6 pages et 3 pages ; ""Insuffisance" en vitamine D - Gare aux concepts trop flous pour rendre service aux patients" Rev Prescrire 2013 ; 33(356) : 435-438
- Pazirandeh S et coll. "Overview of vitamin D", Madhusmita M et coll. "Vitamin D insufficiency and deficiency in children and adolescents" In: UpToDate, Post TW (Ed), UpToDate, Waltham, MA, USA. (Mise à jour en mars 2024).

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Vitamine D chez les enfants : soyons raisonnables !" ; 08 Avr 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/vitamine-d-chez-les-enfants-des-recommandations-raisonnables/)
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