Le Dr Knock et les médias

Par le 12 avril 2024, actualisé le 12 Avr 24.

La pièce "Knock ou le triomphe de la médecine" est considérée comme le chef-d’œuvre de Jules Romains. Sa première représentation eut lieu à Paris le 14 décembre 1923. Louis Jouvet en assurait la mise en scène, les décors et le rôle principal.
Son analyse de la médecine et certains de ses dialogues ont gardé tout leur mordant.

Une description du pouvoir médical

Le Dr Knock s’installe dans un village de campagne où il succède au Dr Parpalaid, qui avait peine à y vivoter. En quelques mois, il fait passer le nombre de consultations de moins d’une dizaine à 150 par semaine, et le nombre de « malades en traitement régulier à domicile » de zéro à 250. La pièce raconte comment il s’y est pris. C’est l’occasion d’une description fine et drôle de la manière dont fonctionne le pouvoir médical.

Les médias représentés par le tambour de ville et l’instituteur

Dès le premier jour, le Dr Knock s’entretient avec le tambour du village. Il lui demande de faire l’annonce de consultations gratuites au cours desquelles il détecte des maladies plus ou moins réelles, qui lui permettent de commencer des traitements de longue durée.
Peu après, le Dr Knock prend contact avec l’instituteur du village. Il lui demande « comment vous étiez-vous réparti l'enseignement populaire de l'hygiène, l'oeuvre de propagande dans les familles... que sais-je, moi ! Les mille besognes que le médecin et l'instituteur ne peuvent faire que d'accord ? » Puis il feint de s’effrayer : « Voilà donc une malheureuse population qui est entièrement abandonnée à elle-même au point de vue hygiénique et prophylactique ! » Il faut donc réparer « des années de... disons d'insouciance. »

Philanthropie ?

Évidemment, les consultations gratuites sont présentées comme pure philanthropie. Ainsi que les causeries dont le Dr Knock soufflera les thèmes et les contenus à l’instituteur. Le rôle essentiel des médias est admirablement décrit par Jules Romains, à une époque où la médecine ne faisait pas encore appel à eux.
« Je puis soigner sans vous mes malades. Mais la maladie, qui est-ce qui m'aidera à la combattre, à la débusquer ? Qui est-ce qui instruira ces pauvres gens sur les périls de chaque seconde qui assiègent leur organisme ? Qui leur apprendra qu'on ne doit pas attendre d'être mort pour appeler le médecin ? »

Susciter la peur et la calmer

La première causerie portera sur « la fièvre typhoïde, les formes insoupçonnées qu'elle prend.les accidents mortels qu'elle déchaîne ,les complications redoutables qu'elle charrie à sa suite ». Et elle sera « agrémentée » d’images projetées : « détails d'excréments typhiques, ganglions infectés, perforations d'intestin, et pas en noir, en couleurs » ! Car il s’agit de porter un « effet de saisissement (...) jusqu'aux entrailles de l'auditoire. Qu'ils n'en dorment plus ! (...) Car leur tort, c'est de dormir, dans une sécurité trompeuse dont les réveille trop tard le coup de foudre de la maladie. »
En apparence, nulle part dans le texte, il n’est question de médecine préventive, de santé publique ou de dépistage. Néanmoins, toutes ces idées sont là. Ainsi le Dr Knock décrit sa seconde causerie « dont le titre n'a l'air de rien : "Les porteurs de germes". » Et il ajoute « Je serais curieux de connaître quelqu'un qui, au sortir de cette deuxième causerie, se sentirait d'humeur à batifoler. »

Louis Jouvet jouait le personnage de Knock avec le plus grand sérieux.
Une partie de sa force comique venait du contraste entre ses déclarations invraisemblables et la manière froide, presque sévère, dont il les énonçait

Les mêmes mécanismes utilisés de nos jours

Il s’agit donc bien de s’adresser à des gens qui ne ressentent aucun symptôme pour leur faire peur et calmer ensuite leur effroi par l’adhésion à la médecine. Provoquer une angoisse et traiter cette angoisse : voilà le secret du succès en médecine.
Les mêmes méthodes sont en application de nos jours. Il suffit d’écouter le discours des médecins sur le dépistage des cancers, le cholestérol, la vitamine D, l’hypertension artérielle, la maladie de l’oeil appelée DMLA (pour dégénérescence maculaire liée à l’âge) et bien d’autres. Pensons aux "journées" ou aux "mois" de "sensibilisation" à telle ou telle maladie, tel ou tel dépistage.
Derrière l’apparent souci de la santé publique, combien d’intervenants travaillent essentiellement à augmenter le pouvoir médical ou les bénéfices de certaines firmes pharmaceutiques ? Et d’ailleurs, combien d’entre eux indiquent-ils leurs liens d’intérêt comme la loi, en principe, les y oblige ? Ne parle-t-on pas de "leaders d'opinion", ou parfois de "dealers d'opinion" ?

Plus que l’argent : le pouvoir

Jules Romains profite de sa pièce pour nous décrire toute une série de techniques de manipulation utilisées en médecine, mais aussi dans de multiples domaines, du commerce à la religion et à la politique. Car le fond du problème est la question du pouvoir : comment soumettre des personnes pour les faire agir à sa guise. À la fin de la pièce, les personnages qui ne sont pas ses malades se sont mis au service du Dr Knock et travaillent pour lui.

Quelques citations inoubliables
- Knock : « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent » (attribué au célèbre physiologiste Claude Bernard !) (Acte I, scène unique)
- Knock : « Naturellement, si vous allez leur dire qu'ils se portent bien, ils ne demandent qu’à vous croire. Mais vous les trompez. » (Acte II, sc. 3)
- Knock :« La santé n'est qu'un mot, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide. » (Acte II, sc. 3)
- Knock : Vous vous rendez compte de votre état ? La dame en noir : Non. Knock : Tant mieux. (Acte II, sc. 4)
Voir Knock 
La pièce continue à être étudiée dans les écoles secondaires françaises et à être régulièrement jouée. On peut aussi visionner le film « Knock » de Guy Lefranc, France, 1951, noir et blanc, 98 mn (avec notamment Louis Jouvet, Pierre Renoir et Jean Carmet) (DVD René Chateau Vidéo). 
Un remake a été réalisé en 2017 par Lorraine Levy, avec Omar Sy en Knock et Ana Girardot, mais son scénario s'éloigne beaucoup de la pièce originale. 
Un autre film intitulé « Knock ou le triomphe de la médecine » avait été réalisé en 1933 par Roger Goupillères et Louis Jouvet. Il n’est pas disponible sur support vidéo ou DVD mais peut éventuellement être visionné à la Cinémathèque française.

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Sources :
- Jules Romains « Knock ou le triomphe de la médecine », pièce de théâtre en trois actes représentée pour la première fois à Paris, à la Comédie des Champs-Élysées, le 15 décembre 1923. (multiples éditions) - "Knock ou le triomphe de la médecine" mis à jour le 24 novembre 2023, Wikipédia, l’encyclopédie libre. fr.wikipedia.org.

Crédits photo :
- Image 01 : "Affiche Knock" par Bécan, pseudonyme de Bernhard Cahn (francisé en Bernard Cahn). Provenance : Bibliothèque en ligne Gallica, identifiant ARK : btv1b53145666w (Domaine public) (recadré).
- Image 02 : "Louis Jouvet en 1947" Par Studio Harcourt – RMN (Domaine public) (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Le Dr Knock et les médias" ; 12 Avr 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-societe/le-dr-knock-et-les-medias/)
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