Un internaute m'a posé une série questions vraiment importantes. Les résultats des essais sur les vaccins Covid sont-ils publics ? Est-il normal qu'ils soient réalisés par les laboratoires pharmaceutiques ? Comment la revue Prescrire se forge-t-elle un avis ? Comment sont décidés les prix des médicaments ? Les industriels du médicament se rendent-ils coupables de corruption ? Je réponds ici, autant que je peux, aux premières questions. Je répondrai aux autres dans un autre article.
Je reproduis ci-dessous le courriel d'un lecteur qui pose des questions vraiment intéressantes et importantes.
« Je suis très surpris des avis qui sont donnés sur les vaccins Covid. À ma connaissance, aujourd'hui, à part les labos concepteurs de ces vaccins, personne n'est en possession des résultats des essais cliniques. Essais qui devraient être réalisés par des organismes indépendants et non par les labos concernés. D'ailleurs je me demande comment la revue "Prescrire" se permet de donner un avis alors qu'elle n'est pas en possession des résultats. À ce jour, Madame Michèle Rivasi, député européenne, membre de la commission santé, n'a toujours pas réussi à obtenir les contrats concernant ces vaccins. Une action est d'ailleurs engagée à l'encontre de la commission européenne auprès de la Cour de Justice Européenne.. Aux USA, le cabinet Aaron SIRI a engagé, au non d'un collectif, une procédure pour obtenir l'intégralité des contrats Pfizer. Nous n'avons jamais été en présence d'une telle situation où se mêlent des soupçons de corruption, prise illégale d'intérêts, favoritisme, concussion, détournements d'argent public, etc. »
Les résultats des essais cliniques sont en grande partie publics
Question : « Je suis très surpris des avis qui sont donnés sur les vaccins Covid. À ma connaissance, aujourd'hui, à part les labos concepteurs de ces vaccins, personne n'est en possession des résultats des essais cliniques. »
Cette idée est partiellement exacte et partiellement fausse.
Autrefois, les firmes pharmaceutiques pouvaient mener des essais cliniques en secret, et ne les dévoiler que s'ils leur étaient favorables. Actuellement, chaque essai doit être déposé avec son protocole (sa description détaillée) sur des registres libres d'accès. Ce dépôt doit avoir lieu au moment de la conception des essais, avant que le premier patient soit recruté. Le protocole décrit les objectifs de l’essai, les méthodes qui seront utilisées et la manière dont seront respectés les principes éthiques (information des patients, autorisations, etc.)
Les résultats des essais non déposés à l'avance ne peuvent pas être utilisés dans des dossiers des agences des médicaments. Et les revues médicales de renom refusent de les publier. Ce qui est très dissuasif. Ainsi les essais aux résultats défavorables ne peuvent plus être dissimulés.
Seuls les chercheurs et les laboratoires concernés disposent des données brutes (ou données source). Il s'agit des données détaillées concernant chaque patient inclus dans les essais. Ces données ne sont pas publiées, et c’est le cas très général des essais médicamenteux. Elles représentent des dizaines voire des centaines de milliers de pages : plusieurs pages par patient pour des milliers ou des dizaines de milliers de patients. Il est de bonne pratique que lorsque des chercheurs demandent des données brutes à d’autres chercheurs, notamment pour réaliser des méta-analyses, elles soient transmises de bonne grâce… mais ce n'est hélas pas toujours le cas.
Les données brutes ne disent pas grand chose. Pour en tirer des conclusions, il faut les compiler et faire des calculs statistiques. Ces données agrégées, avec calculs statistiques, sont généralement accessibles. Les essais les plus importants font souvent partie des dossiers de demande de mise sur le marché des médicaments. Or les grandes agences du médicament occidentales ont une obligation de transparence, notamment la Federal Drug Agency des USA et l’European Medicines Agency de l'Union Européenne : les résultats des essais sont compilés ou résumés dans des documents qui sont publics. Et un certain nombre de résultats d'essais sont publiés dans les revues internationales. En théorie, les résultats devraient être disponibles un an après la dernière visite du dernier patient, mais ce délai n'est pas toujours respecté.
Néanmoins, il est tout à fait vrai que trop de données dont on connaît l'existence ne sont pas publiées et demeurent inaccessibles.
Enfin lorsqu'elle étudie un médicament, Prescrire adresse systématiquement des demandes d'information précises aux firmes pharmaceutiques. Certaines ne répondent pas, mais d'autres transmettent des documents relatifs à leurs essais ou bien répondent à des questions ciblées. Et chaque année, Prescrire publie un Palmarès de l'information : il indique quelles firmes lui ont répondu de manière rapide et efficace, parfois en transmettant des informations non publiées, et quelles firmes ont refusé de coopérer.
Qui devrait diriger la recherche sur les traitements ?
Question : « Les essais devraient être réalisés par des organismes indépendants et non par les labos concernés. »
Quand on y réfléchit, au bout du compte, ceux qui financent les essais, ce sont les patients qui achètent les médicaments ou les organismes (publics ou privés) qui les remboursent. Pourtant ces essais sont conçus et réalisés par les firmes pharmaceutiques dans leur propre intérêt, et non pas dans celui de la santé publique.
Il n'est pas question d'interdire à ces firmes de mener les recherches qu'elles veulent. Cela risquerait de stériliser certaines idées ou de ralentir la recherche, ce qui serait dommage. Mais d'un autre côté, la recherche publique est très insuffisante. De nombreuses recherches concernant les médicaments, mais aussi les autres thérapeutiques, les méthodes de diagnostic et de dépistage, leur efficacité et leurs effets indésirables, ne sont pas menées parce qu'elles n'intéressent pas les industriels et que le public ne les finance pas.
Les agences du médicament imposent certaines recherches avant d'autoriser la mise sur le marché d'un médicament. Mais sur bien des points, ces règles sont laxistes. Par exemple, un nouveau médicament peut très bien être commercialisé alors qu'il est moins efficace ou plus dangereux que les médicaments qui existent déjà. Il y a donc bien des progrès à faire.
La suite dans l'article : "La revue Prescrire et les vaccins Covid - seconde partie".
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Lire aussi : "Palmarès annuels Prescrire 2021. Exceptionnel : deux "Pilules d'Or""
Crédit photo : Visual content sur VisualHunt
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Sources
- Prescrire rédaction "Pourquoi Prescrire ?", 2019 et "L'histoire collective du chemin d'un texte de Prescrire", 2012. Site internet www.prescrire.org
- Prescrire rédaction "Le chemin d'un article. Première partie, la revue Prescrire" Rev Prescrire 2000 ; 20 (206) : 386-388 ; "Le progrès thérapeutique en quelques concepts" Rev Prescrire 2015 ; 35 (382) : 565-569 ; "Tenir compte des données manquantes dans la pratique quotidienne" Rev Prescrire 2016 ; 36 (396) : 775-780.
- Gøtzsche P "Remèdes mortels et crime organisé : Comment l'industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé" Presses de l'Université de Laval (Québec, Canada) 2019 : 608 pages.
- Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation "Plan national pour la science ouverte" juillet 2018, 12 pages ; "Deuxième plan national pour la science ouverte - Généraliser la science ouverte en France, 2021-2014" juillet 2021, 32 pages. Site internet www.ouvrirlascience.fr