À quoi sert la médecine, et donc à quoi servent les diagnostics et les traitements ? Ben, direz-vous, à aller mieux ! Voilà une réponse pleine de bon sens. Mais ce n'est pas si simple. Pour affirmer qu'on va réellement mieux, il faut s'appuyer sur des critères de jugement valides, et correspondant à ce que souhaite la personne concernée.
Objectifs cliniques
On distingue les objectifs de traitement cliniques et non cliniques. Qu'appelle-t-on objectif clinique ? Pour dire les choses simplement, c'est un objectif dont tout le monde (médecin ou non) comprend immédiatement qu'il est utile. Par exemple, avoir moins mal, mieux marcher, guérir d'une blessure, éviter un infarctus du myocarde (une crise cardiaque), échapper à la mort et voir sa vie se prolonger : voilà des objectifs cliniques, et donc des critères de jugement indiscutables de l'activité médicale (a).
Objectifs "non cliniques"
Si on vous dit que l'objectif du traitement qu'on vous propose est de faire baisser la glycémie (le taux de glucose, autrement dit de sucre dans le sang), de diminuer la pression artérielle ou de réduire le diamètre d'une tumeur, vous ne pouvez pas être immédiatement certain que cela vous fera du bien. Ce peut être vrai, ou pas. Par exemple, si la glycémie est très élevée, la faire baisser diminue le risque de tomber dans le coma. Mais si elle est modérément élevée, on court le risque de la faire descendre trop bas et de provoquer des malaises. De même, selon les situations, une chimiothérapie anticancéreuse qui diminue la taille d'une tumeur peut être utile (par exemple si elle améliore le bien-être ou allonge la vie dans de bonnes conditions) ou néfaste (si les effets indésirables ne sont pas contre-balancés par un bénéfice évident).
Pour résumer, un objectif "non clinique" n'est valable, chez une personne donnée, que s'il donne de bonnes chances d'atteindre un objectif clinique au prix d'effets indésirables tolérables pour cette personne.
Quelques questions à se poser
Pour juger des objectifs d'un diagnostic ou d'un traitement, une méthode pratique consiste à réfléchir en tentant de répondre à quelques questions, qui se recoupent parfois, afin d'envisager les choses sous plusieurs angles :
- les objectifs cliniques recherchés me semblent-ils clairs ?
- s'agit-il d'éviter une maladie ou une dégradation de la santé (objectif préventif), d'accélérer une guérison ou de la rendre plus probable (objectif curatif), de diminuer les conséquences pénibles d'une maladie, comme la douleur (objectif symptomatique ou palliatif) ?
- cherche-t-on à prolonger la durée de la vie, à soulager une détresse, à limiter une détérioration, à éviter une complication, à procurer un réconfort, à améliorer la qualité de vie ?
- le traitement a-t-il d'autres objectifs ? Par exemple des objectifs esthétiques (temporaires ou permanents), des objectifs en lien avec la vie professionnelle, sociale, familiale, des objectifs liés aux activités de loisir ou d'agrément (par exemple le sport), aux activités sexuelles ? Le traitement est-il en rapport avec les chances de réussite de projets personnels ? A-t-il des objectifs financiers (par exemple la reprise d'une activité rémunératrice) ?
Dans certains cas, on peut se poser d'autres questions :
- les objectifs de la personne concernée sont-ils les mêmes que les objectifs de son entourage ou les objectifs de ses soignants ?
- qui est le principal bénéficiaire du traitement : le patient, ses proches, la collectivité ? La question a-t-elle été discutée et est-elle comprise ? Le traitement est-il éthique ?
Une discussion indispensable entre patients et soignants
Pour la personne concernée, dans certains cas, le plus important n'est pas de soigner ou de combattre une maladie, mais d'en diminuer les conséquences (physiques, psychologiques, familiales, sociales, etc.)
Il est important que les soignants et les patients abordent ces questions avec simplicité et franchise, afin de se mettre d'accord sur les objectifs cliniques à poursuivre, avant de déterminer les critères éventuellement mesurables qui permettront de se dire qu'on est sur la bonne voie, et de considérer les chances de réussite ou d'échec, ainsi que les effets indésirables possibles. Car il n'est évidemment pas question que les soignants imposent leurs objectifs aux patients.
Et donc pour réfléchir à sa propre santé, il est important de faire la différence entre "avoir un chiffre qui va mieux" et "ressentir vraiment une amélioration dans sa vie".
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a- Il y a quelques exceptions. Par exemple, prolonger une vie au prix de fortes souffrances n'est pas toujours souhaitable pour la personne.
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Crédit photo : "Mosaïque de cibles (Targets mosaic)" Luc Legay sur VIsual Hunt
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Sources :
- Prescrire Rédaction “Objectifs des traitements : à partager avec les patients" Prescrire 2012 ; 32 (345) : 544-546 ; “Évaluer le progrès thérapeutique : avec méthode, au service des patients" Prescrire 2015 ; 35(382) : 565-569.