Pros : Prescrire, déc. 2021 : médicaments utiles et inutiles

Par le 9 février 2022, actualisé le 09 Fév 22.

POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de décembre 2021.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Il faut aussi que ses bénéfices potentiels semblent supérieurs à ses effets indésirables aux yeux de l'agence du médicament.
Mais ce n'est pas parce qu'un médicament est plus efficace que "rien" qu'il est plus efficace que les traitements qui sont déjà disponibles.
La rédaction Prescrire classe les médicaments en 6 catégories, en fonction de leur utilité, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de décembre 2021 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : 0 (aucun) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en décembre 2021

Intéressant : 0 (aucun) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en décembre 2021

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Apporte quelque chose : 1 (un) - apport limité

- Ivacaftor + tézacaftor + élexacaftor (Kaftrio°) contre certaines mucoviscidoses. Dans certains cas de mucoviscidose (avec au moins une mutation deltaF508 sur le gène CFTR), ce traitement a diminué la gène respiratoire dans des essais d'une durée maximale de 6 mois. Non sans effets indésirables (infections, troubles hépatiques, etc.)

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Éventuellement utile : 1 (un) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- Bithérapie cabotégravir (Vocabria°) + rilpivirine (Rekambys°) contre le HIV (infection au virus du sida), en injections intra-musculaires tous les mois ou tous les deux mois. Cette bithérapie injectable peut remplacer une bithérapie quotidienne par voie orale, avec une efficacité du même ordre, chez les patients qui le souhaitent.

Mon premier maître en pharmacologie disait qu'une des grandes caractéristiques de l'humain, par comparaison avec les autres animaux, était son appétit pour les médicaments (b).

N'apporte rien de nouveau : 4 (quatre) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles)

- Baricitinib (Olumiant°) dans l'eczéma atopique (ou dermatite atopique) des adultes. L'eczéma est une maladie inflammatoire de la peau qui provoque une sécheresse et un prurit (envie de se gratter). Le baricitinib a fait un peu mieux que le placebo dans 4 essais, mais il n'a pas été comparé aux autres traitements immunodépresseurs disponibles, comme la ciclosporine ou le dupilumab.

- Pérampanel (Fycompa°) contre l'épilepsie partielle ou généralisée chez certains enfants. Ce médicament n'a été testé que dans un essai non comparatif sur 170 enfants. Impossible d'affirmer qu'il fait mieux que les autres anti-épileptiques. De plus, ses effets indésirables sont parfois graves, et on ignore ses effets sur le développement des enfants.

- Sécukinumab (Cosentyx°) contre le psoriasis en plaques des enfants et adolescents. Ce traitement n'a été testé que sur 162 enfants et adolescents ayant un psoriasis (maladie de peau) grave. Ces enfants n'avaient pas toujours essayé d'abord le méthotrexate (traitement de référence), et le sécukinumab n'a pas été comparé aux autres médicaments de la même famille (les anti-TNF alpha).

- Délafloxacine (Quofenix°) dans certaines infections cutanées et pneumonies. C'est un antibiotique de plus dans la famille des fluoroquinolones. Dans les essais, il ne s'est pas montré plus efficace que les antibiotiques auxquels on l'a comparé.

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La rédaction ne peut se prononcer : 2 (deux)

- Céfidérocol (Fetcroja°) et certaines infections (à bactéries aérobies Gram négatif). C'est un antibiotique de plus dans la famille des céphalosporines. Dans des essais chez des malades atteints d'infections pulmonaires ou urinaires graves, le céfidérocol n'a pas semblé faire mieux qu'un autre antibiotique. Dans un autre essai, la mortalité a peut-être été augmentée. Les essais sur des infections à bactéries multi-résistantes devraient se poursuivre.

- Burosumab (Crysvita°) dans l'hypophosphatémie liée au chromosome X (une maladie génétique rare) chez les adultes. Chez les enfants et adolescents, le burosumab réduit les lésions osseuses et les déformations. Mais chez les adultes, le burosumab a augmenté le taux de phosphates dans le sang sans que soit démontrée une amélioration concrète de la santé des malades.

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Pas d'accord : 2 (deux) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains)

- Ipilimumab (Yervoy°) et nivolumab (Opdivo°) en plus d'un sel de platine dans certains cancers bronchiques. Cette association a une efficacité moins bien démontrée que le pembrolizumab, qui semble permettre un plus grand allongement de la vie.

- Nintédanib (Ofev°) dans diverses fibroses pulmonaires. Ce médicament a des effets anti-fibrose et anti- formation de nouveau vaisseaux qui pourraient être utiles dans certaines maladies pulmonaires. Mais les essais n'ont pas montré d'augmentation de la durée de vie ni de diminution des aggravations chez les malades. Et le traitement a de graves effets indésirables.

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Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
b- Il s'agissait du Professeur Paul Montastruc, dont certaines fortes paroles résonnent encore en ma mémoire. Il est le seul de mes professeurs de médecine que j'appelle "maître" avec reconnaissance.

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Sources

1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2021 ; 41 (458) : 884-900.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40(442) : 621-624.

Crédit photo : gregoryfischer.photography sur VisualHunt

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Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, déc. 2021 : médicaments utiles et inutiles" ; 09 Fév 2022 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-dec-2021-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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