L’eau en bouteille est moins bonne pour la santé que l’eau du robinet. Elle est aussi moins bien contrôlée et beaucoup moins écologique. Et lorsque c’est nécessaire, il est facile de débarrasser l'eau du robinet de son goût et de son odeur de chlore.
Des plastiques en suspension dans les bouteilles d’eau
Il y a le plastique qu’on voit, un peu partout dans notre environnement. Et il y a des particules plastiques minuscules, difficiles ou impossibles à voir à l’œil nu. On parle de microplastiques (de 1 micromètre à 5 millimètres de longueur) et de nanoplastiques (en dessous de 1 micromètre). Les nanoplastiques sont peut-être les plus dangereux, car ils sont capables de pénétrer dans le corps humain et de circuler par voie sanguine jusque dans le cerveau ou dans le lait maternel.
Des chercheurs ont montré que l’eau en bouteille plastique contient de grandes quantités de microplastiques. Boire un litre d’eau en bouteille aboutit à avaler plus de 200 000 particules de nanoplastiques. Ces plastiques semblent provenir en partie des bouteilles elles-mêmes, en partie du traitement de l’eau avant embouteillage (par exemple, des membranes de filtration) et pour une petite partie, d’une pollution générale de l’environnement. Autrement dit, il y aurait déjà des microplastiques dans l’eau des sources. Ce qui confirme l’opinion de chercheurs selon lesquels il y aurait déjà des micro et nanoplastiques dans tout notre environnement, et jusqu’aux pôles de la planète.
Faute d’études, on ignore les conséquences de cette pollution intérieure chez l’être humain, mais il y a peu de chances pour qu’elle soit bénéfique. En effet, les relativement rares études chez les animaux ont mis en évidence des effets néfastes sur la chimie du corps (le métabolisme), le développement cérébral, le matériel génétique, les échanges respiratoires cellulaires et la flore intestinale.
Tromperies et fraudes multiples des industriels de l’eau
Les « eaux de source » vendues en bouteille sont censées avoir été filtrées par leur passage sous terre et il est donc interdit de leur appliquer certains traitements visant à les purifier ou à les désinfecter. Pourtant, depuis des années, de nombreux industriels de l’eau ont constaté la contamination de leurs sources, notamment par des bactéries d’origine fécale. Des traces de polluants chimiques comme des pesticides ont parfois été décelés. Mais les industriels ont continué à vendre leurs eaux comme « eaux de source » en utilisant des méthodes interdites pour les désinfecter : microfiltration, rayons ultraviolets, utilisation de charbons actifs. Ces méthodes sont sans danger pour la santé, mais elles modifient les eaux. Quel intérêt d’acheter une « eau de source » si elle a subi les mêmes traitements que l’eau du robinet et si elle n’a plus ses caractéristiques d’origine ?
Depuis 2020, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mis en évidence d’autres pratiques frauduleuses : mélanges d’eaux provenant de plusieurs sources, addition « d’eau du réseau » (autrement dit, d’eau du robinet), ajout de gaz carbonique à des eaux « naturellement gazeuses », addition de sulfate de fer...
Des administrations et des politiques complices
En 2021, les responsables de Nestlé Waters, la plus grande entreprise d’eaux de France (Contrex, Hépar, Perrier, Vittel…), sans doute informés de ces découvertes, prennent rendez-vous avec la ministre de l’Industrie et avouent certaines pratiques illicites tout en annonçant la perte de plusieurs milliers d’emploi si on les empêchait de continuer… En 2022, une enquête de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de certaines agences régionales de santé (ARS) estime que plus d’une marque d’eau française sur trois utilise des traitements non conformes. Et ajoute qu’il s’agit sans doute d’une sous-estimation. Les pratiques sont soigneusement camouflées : filtres dissimulés dans des armoires électriques, contrôles sanitaires modifiés…
L’article 40 du code de procédure pénale, qui impose à toute administration ou tout agent de l’État de dénoncer tout crime ou délit qui viendrait à sa connaissance. Mais toutes les ARS n’avertiront pas les procureurs concernés. Quant aux politiques, ils font leur possible pour que les rapports de l’administration restent secrets. Et ils autorisent les Préfets à valider certains traitements initialement interdits… malgré l’avis contraire de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Il semble s’agit avant tout de ne pas déranger les industriels !
Bouteilles en plastique : anti-écologiques
Tout d’abord, moins d’une bouteille en plastique sur deux est recyclée. Ce qui signifie que la plupart terminent leur vie dans la nature, et notamment dans les mers et océans. Ensuite la fabrication d’une bouteille d’eau… consomme 3 litres d’eau. Autrement dit, pour fabriquer leurs bouteilles, les industriels comme Nestlé ou Danone utilisent les ressources d’eau et privent les populations locales de l’eau dont elle a besoin. Enfin l’utilisation d’une eau (ou d’une autre boisson) en bouteilles suppose des transports. En moyenne, chaque bouteille d’eau vendue a parcouru 300 kilomètres, ce qui consomme évidemment du carburant.
L’eau du robinet plus saine que l’eau en bouteille
En France, l’eau du robinet est un des aliments les plus surveillés. Des contrôles sont effectués en permanence. Ce sont des contrôles microbiologiques (recherche de microbes comme des bactéries, virus et parasites), des contrôles chimiques (recherche de nitrates, de pesticides, de plomb, de polluants émergents), des contrôles de la radioactivité. Les résultats sont publiés sur le site du ministère de la santé sous le titre "Qualité de l'eau potable".
En définitive, la qualité sanitaire des eaux du robinet est bien mieux surveillée que celle de l’eau en bouteilles. De plus, dès qu’une bouteille d’eau (ou d’une autre boisson) est ouverte, des microbes commencent à se développer à l’intérieur. Plus la bouteille est grosse, plus elle reste ouverte longtemps, et plus l’eau est contaminée.
Quelques mesures pratiques
Dans certains cas (assez rares en fait), le traitement des eaux du robinet laisse une odeur et un goût de chlore, qui sont désagréables. Mais il est facile de s’en débarrasser puisqu’il suffit de laisser l’eau reposer une ou deux heures dans une carafe à large ouverture.
Pour les personnes qui jugeraient que cela ne suffit pas, il est encore possible d’utiliser des carafes filtrantes. Personnellement, je choisirais une carafe en verre, avec un dispositif filtrant fabriqué en plastique biosourcé (dérivé de la biomasse, principalement de plantes) et non en plastique d'origine pétrolière. Pour notre vie quotidienne à l’extérieur, choisissons des gourdes en métal plutôt qu’en plastique. Et pour nos boissons autres que l’eau (jus, laits, etc.), préférons les bouteilles en verre ou les packs en carton.
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Sources
– Quian N et coll. “Rapid single-particle chemical imaging of nanoplastics by SRS microscopy” PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) 2024 ; 121 (3) : e2300582121 (12 pages).
– Foucart S “Eaux en bouteille : des pratiques trompeuses à grande échelle” Le Monde 30 janvier 2024, Foucart S “L’eau en bouteille massivement polluée par des nanoparticules de plastique” Le Monde 09 janvier 2024 et Gontard N (interrogée par Mandard S) “Pollution : « Nous sommes en train de créer un monstrueux réservoir de particules de plastique »” Le Monde 31 mai 2023.
– Pouliquen F “Tromperie à grande échelle pour masquer des contaminations” Que Choisir 31 janvier 2023. Chesnais E et Marchais M “Faut-il s’inquiéter des microplastiques ?” et Chesnais E “Nos conseils pour lutter contre les microplastiques” Que Choisir 19 février 2019.
– Ministère du travail, de la santé et des solidarités “Qualité de l’eau potable” Site sante.gouv.fr Mise à jour 15 janvier 2024.
– Janin-Reynaud B “Eau en bouteilles : pourquoi faut-il l’arrêter et comment s'en passer ?” Site lekaba.fr, 26 janvier 2024.
Crédits photo :
- Image n°1 : "Squished plastic water bottle thrown on the ground" par Ivan Radic sur Flickr (recadré)
- Image n°2 : "Macrophages absorbing Nanoplastic" par M Schwarzfischer (SNSF Scientific Image Competition) sur Flickr (recadré)