Prégabaline : un médicament à ne plus utiliser

Par le 12 février 2024, actualisé le 13 Fév 24.

Il y a des médicaments qu’il vaut mieux ne pas prendre souvent. Et d’autres qu’il vaut mieux ne jamais prendre. Pour la revue indépendante Prescrire, fin 2023, la prégabaline est un médicament à ne jamais utiliser.

La prégabaline (qui a parfois pour nom de marque Lyrica°) est chimiquement très proche de la gabapentine, (Neurontin° et autres) qui avait été mise sur le marché avant elle. Elle est officiellement commercialisée en France, et dans une bonne partie de l’Europe, pour trois usages, chez l’adulte uniquement :
- dans le traitement de certaines douleurs dites « douleurs neuropathiques » chez l’adulte,
- en association, dans le traitement de certaines épilepsies,
- dans le traitement du trouble anxieux généralisé.

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Les douleurs neuropathiques

Les douleurs dites neuropathiques (ou neurogènes) sont dues à une souffrance des nerfs sensitifs, qu’ils se trouvent en périphérie ou dans le système nerveux central (moelle épinière et cerveau) (a). Il existe souvent en même temps une exagération ou une diminution de la sensibilité, avec des sensations de fourmillement, d’engourdissement, de piqûre, de brûlure ou de froid. Et parfois, un stimulus normalement indolore déclenche la douleur, par exemple le simple toucher de la peau, ou une faible chaleur. Les douleurs du zona sont un exemple de douleur neuropathique.

Pas de prégabaline contre les douleurs

Dans les douleurs neuropathiques, le paracétamol et les anti-inflammatoires sont souvent peu efficaces. Fin 2023, le traitement fait d’abord appel à l’amitriptyline (Laroxyl°, Elavil° et autres) ou à d’autres antidépresseurs et à la morphine. En troisième recours, la gabapentine et la prégabaline sont un peu plus efficaces qu’un placebo. La prégabaline n’est pas plus efficace que la gabapentine dans le traitement des douleurs neuropathiques. Leurs effets indésirables sont nombreux : neurologiques, psychiques, cardiaques, visuels, risque de coma, voire de mort en cas de surdosage, etc. La prégabaline semble provoquer un petit nombre de malformations graves en cas d’utilisation au cours du premier trimestre de la grossesse. Elle aboutit plus souvent à une dépendance (autrement dit, à une toxicomanie) et en France, elle est assimilée à un stupéfiant. En cas de besoin, mieux vaut lui préférer la gabapentine.

Que ce soit dans le traitement des douleurs neuropathiques (ou neurogènes),
dans le traitement des épilepsies partielles
ou dans le traitement des anxiétés généralisées,
il y a des traitements plus efficaces ou moins risqués que la prégabaline.

Pas de prégabaline dans les épilepsies

Dans les épilepsies, une activité électrique anormale du cerveau provoque des crises, soit généralisées lorsque l’ensemble du cerveau est concerné, soit partielles lorsque seule une partie du cerveau est atteint.
De nombreux anti-épileptiques peuvent être utilisés en cas d’épilepsie partielle. Par exemple la carbamazépine, la lamotrigine, l'oxcarbazépine, la gabapentine, le lévétiracétam et bien d’autres en cas d’échec. Un essai a comparé la prégabaline à la gabapentine. Il n’a pas montré que l’une faisait mieux que l’autre, et il vaut donc mieux en rester à celle qui présente le moins d’effets indésirables : la gabapentine.

Pas de prégabaline dans les anxiétés généralisées

L’anxiété est un phénomène assez général, tout à fait normal. De nombreuses situations provoquent de l’anxiété et lorsqu’un traitement de courte durée est utile, il fait généralement appel à une benzodiazépine, par exemple l’oxazépam (Séresta°). Ces médicament sont souvent rapidement efficaces, mais il est important de ne pas s’y habituer, car ils provoquent des toxicomanies. Plusieurs essais ont aussi montré que l’huile essentielle de lavande par voie orale à la dose de 80mg par jour (Huile essentielle de lavande Schwabe°) a une certaine efficacité anxiolytique.
En cas d’anxiété chronique, les médicaments anxiolytiques ne doivent servir qu’à traiter les poussées anxieuses car si leur efficacité est bonne à court terme, elle ne persiste pas, et ils provoquent des toxicomanies. Il est alors essentiel de se tourner vers une psychothérapie – en général une thérapie cognitive et comportementale ou TCC.
L’anxiété est dite généralisée lorsqu’elle envahit la vie, qu’elle est irrationnelle (il n’y a pas vraiment de raison) et qu’elle a des conséquences sociales ou professionnelles. Il s’y associe souvent une multitude de symptômes : agitation, sensation d’être « à bout », fatigue, difficultés de concentration, maux de tête ou de ventre, insomnie, etc. Il est important d’éliminer une cause physique (hyperthyroïdie, trouble du rythme cardiaque, etc.) Ensuite, mieux vaut rechercher d’abord une aide psychologique. Les benzodiazépines sont souvent utiles à court terme, ainsi que parfois, des antidépresseurs ou d’autres médicaments. Le propranolol à faible dose peut diminuer les battements cardiaques et les tremblements dus à l’anxiété.
Selon quelques essais, la prégabaline semble avoir une certaine efficacité anxiolytique, mais rien ne montre qu’elle fasse mieux que les benzodiazépines, et elle a beaucoup plus d’effets indésirables – dont un risque élevé de toxicomanie. Mieux vaut s’en passer.

En résumé

Au total, que ce soit dans le traitement des douleurs nociceptives, dans celui de l’épilepsie partielle ou dans celui de l’anxiété généralisée, la prégabaline n’est pas plus efficace que ses concurrents, et elle provoque des effets indésirables plus nombreux et plus graves. À éviter, donc.

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a- On oppose les douleurs neuropathiques ou neurogènes, dues à une atteinte des nerfs sensitifs et les douleurs nociceptives, où les nerfs sensitifs font leur travail normal en signalant une lésion, comme un hématome faisant suite à un traumatisme, une inflammation ou une compression.

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Sources
Base de données publique des médicaments “Prégabaline” et “Gabapentine”
Rédaction Prescrire “Prégabaline : à éviter dans l’épilepsie partielle, dans l’anxiété généralisée comme dans les douleurs neurogènes”, “Gabapentine et prégabaline dans les douleurs neurogènes”, “Prégabaline et gabapentine : des surdoses parfois mortelles” “Prégabaline au cours du premier trimestre de la grossesse : probable léger surcroît de malformations majeures” et “Prégabaline au cours du premier trimestre de la grossesse : probable léger surcroît de malformations majeures” et “Prégabaline et gabapentine : causes de prescriptions de diurétiques” Prescrire 2023 ; 43 (482) : 912 - 2023 ; 43 (472) : 131-133 - 2023 ; 43 (482) : 911-913 – 2024 : 44 (483) : 31-33 et 2022 : 42 (462) : 271.
Tauben D et coll. "Pharmacologic management of chronic non-cancer pain in adults" In: UpToDate, Post TW (Ed), UpToDate, Waltham, MA, USA. (Mis à jour en janvier 2024).

Crédits photo :
- Image n°1 : "Painfuless" par Stuart Williams sur Flickr (recadré)
- Image n°2 : "Art of Pain" par Stanley Zimny sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Prégabaline : un médicament à ne plus utiliser" ; 12 Fév 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-actualites/pregabaline-un-medicament-a-ne-plus-utiliser/)
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