Pros : Prescrire, juillet 2023 : médicaments utiles et inutiles

Par le 4 octobre 2023, actualisé le 04 Oct 23.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de juillet 2023.

POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de juillet 2023 (réf. 1). Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en juillet 2023

Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en juillet 2023

Apporte quelque chose : 1 (un) - apport limité

- pembrolizumab (Keytruda°) dans certains cancers du col de l'utérus. En cas de métastase ou après échec de la chirurgie + radiothérapie, l'ajout de pembrolizumab à une chimiothérapie a allongé la durée de vie médiane de certaines patientes (avec ligand du récepteur PCD-1), malgré des effets indésirables parfois graves.

Éventuellement utile : 2 (deux) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- vutrisiran (Amvuttra°) dans certaines neuropathies rares. L'amylose à transthyrétine est une maladie héréditaire rare. Ses complications neurologiques et cardiaques sont mortelles. Comme le patisiran, le vutrisiran semble freiner l'aggravation des troubles neurologiques. Mais il est plus commode d'emploi et ses effets indésirables ne semblent pas toujours les mêmes.

- tébentafusp (Kimmtrak°) dans certains mélanomes de l'œil. Ces cancers rares sont différents des mélanomes de la peau. Le tébentafusp semble allonger la durée médiane de vie de 6 mois environ, par rapport à d'autres anticancéreux.

Ne pas faire confiance aux informations données avec les compléments alimentaires. En l'absence de contrôle a priori, comme on peut s'y attendre, les indications données par les firmes pharmaceutiques ont tendance à élargir les indications et à oublier les contre-indications...

N'apporte rien de nouveau : 7 (sept)- substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- rimégépant (Vydura°) dans la migraine. On dispose déjà de nombreux médicaments pour le traitement de la crise de migraine et la prévention des crises. Le rimégépant n'a été comparé à aucun d'entre eux. Il est juste un peu plus efficace qu'un placebo. Aucun progrès démontré, donc. Encore une faillite des agences du médicament...

- olopatadine + mométasone (Ryaltris°) en pulvérisations nasales dans la rhinite allergique. Le traitement de premier choix de la rhinite allergique est le cromoglicate en pulvérisations nasales, d'efficacité modérée mais avec peu d'effets indésirables. L'association olopatadine + mométasone (plus risquée) ne lui a pas été comparée, non plus qu'aux nombreux autres antiallergiques et dérivés de la cortisone déjà commercialisés en pulvérisations nasales.

- cabozantinib (Cabometyx°) dans certains cancers de la thyroïde, en dernier recours. Dans ces cancers, en cas de métastase et après échec des autres traitements, le cabozantinib retarde un peu la survenue d'une aggravation, mais n'augmente ni la durée ni la qualité de vie. Et ses nombreux effets indésirables sont parfois graves.

- nivozumab (Opdivo°) dans certains cancers des voies urinaires. Après chirurgie, en cas de risque élevé de rechute, le nivozumab diminue la fréquence des rechutes. Mais il n'est pas démontré qu'il allonge la vie, et ses effets indésirables peuvent être graves, parfois mortels.

- pembrolizumab (Keytruda°) dans certains cancers du sein. Dans les cancers du sein dits "triple négatifs", sans métastase, avant et après chirurgie, le pembrolizumab a diminué le risque de récidive, mais sans allonger la vie, au prix d'effets indésirables graves, voire mortels.

- ciltacabtagène autoleucel (Carvykti°) dans le myélome multiple. Il s'agit d'un cancer de certains globules blancs du sang. Le traitement, à base de cellules sanguines génétiquement modifiées, n'a été évalué que dans un essai non comparatif (donc non démonstratif). Ses effets indésirables sont graves, parfois mortels.

- axicabtagène ciloleucel (Yescarta°) dans certains lymphomes folliculaires. Dans ces cancers de certaines cellules du système immunitaire, au bout de 3 lignes de traitement, ce médicament n'a été testé que dans un essai non comparatif, et sur une durée trop courte : on ne peut pas en tirer de conclusion.

Pas d'accord : 0 (zéro) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains

Rien en juillet 2023

La rédaction ne peut se prononcer : 0 (zéro)

Rien en juillet 2023

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Mauvaises nouvelles : 2 (deux)

- Arrêt de commercialisation de GlucaGen° (glucagon). Ce médicament de choix pour le traitement des hypoglycémies graves des diabétiques (adultes et enfants) était en "tension d'approvisionnement" en raison de « difficultés de production ». Le fabricant a choisi d'en cesser la commercialisation. Restent GlucagenKit° (injectable) et Baqsimi° (en pulvérisations nasales). Mais « les quantités disponibles ne sont pas suffisantes ». L'agence française du médicament recommande de réserver le glucagon aux enfants, aux adolescents et aux adultes à haut risque d'hypoglycémie sévère. Encore un exemple où les autorités laissent les firmes pharmaceutiques faire ce qui leur convient au détriment de la santé publique.

- Mélatonine : ne pas croire les informations des "compléments alimentaires" !!! La mélatonine, utilisée comme somnifère, existe soit sous forme de "médicament" (soumise à des contrôles de qualité précis) ou de "compléments alimentaires" (dont la réglementation est beaucoup plus légère). Des contrôles ont montré que la quantité de mélatonine présente dans les compléments alimentaires n'était "cohérente" avec l'étiquetage que dans 9 cas sur 10. D'autre part, dans la moitié des cas, les informations fournies aux consommateurs n'étaient pas correctes. En particulier, les cas où l'utilisation de mélatonine est déconseillée étaient oubliés. Et certaines informations étaient fausses, indiquant par exemple que la mélatonine peut être utilisée par des enfants. En bref : comme on le sait depuis longtemps, même lorsqu'il s'agit des mêmes molécules aux mêmes dosages, les médicaments de prescription sont beaucoup plus sûrs que les "compléments alimentaires" en vente libre.

Bonnes nouvelles : 0 (zéro)

Rien en juillet 2023

Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.

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Lire aussi :

- Les objectifs des traitements et des diagnostics

- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables

- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023

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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2023 ; 43(477) : 485-509.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40(442) : 621-624.

Crédits photo :
Image n°1 : "Take drugs, seriously" par Ralf Steinberger sur Flickr (recadré)
Image n°2 : "Sweet sweet internet drugs" par Charcoal Soul sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, juillet 2023 : médicaments utiles et inutiles" ; 04 Oct 2023 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-actualites/pros-prescrire-juillet-2023-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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