Coûts de la R&D des médicaments : l'opacité

Par le 28 juillet 2023, actualisé le 28 Juil 23.

Les industriels du médicament mettent régulièrement en avant le coût faramineux (selon eux) de la recherche et développement des médicaments. Ce coût expliquerait les prix élevés demandés pour les nouvelles molécules mises sur le marché. Qu'en sait-on vraiment ?

Des annonces tonitruantes

Selon le LEEM ("Les entreprises du médicament"), c'est-à-dire le syndicat des industriels de la pharmacie, les entreprises pharmaceutiques françaises emploieraient plus de 17 000 personnes se consacrant à la recherche et au développement des médicaments. Et elles y consacreraient presque 10% de leur chiffre d'affaire.
Le problème est que rien ne permet de vérifier ces chiffres... D'autant en réalité, dans le "développement" se dissimule sans doute une bonne part du budget publicitaire. Et que d'autre part, une bonne part de la recherche est subventionnée avec largesse par les pouvoirs publics : mais combien ?

Un début de commencement d'ébauche de transparence

En 2019, il a fallu toute l'énergie de quelques associations (dont Prescrire) pour que le gouvernement français se décide à obliger les firmes pharmaceutiques à informer le Comité économique des produits de santé (CEPS)... "du montant des financements publics de recherche et développement dont elles ont bénéficié". Il est déjà remarquable, à mes yeux, que l'obligation incombe aux industriels, et non aux financeurs publics, qui semblent s'avouer incapables de collationner eux-même leurs subventions, mais passons.
La mesure, aussitôt votée, a été rognée dans son décret d'application : elle est limitée aux médicaments remboursables par la collectivité et n'inclut pas les crédits d'impôt recherche.

Des chiffres vides de sens

Les premiers chiffres ont été publiés par le CEPS en décembre 2022. Ils concernent l'année 2021. Sur 190 firmes pharmaceutiques concernées, il n'y en a que 7 à avoir déclaré un financement public, pour un montant total d'environ 3 millions d'euros. Ces déclarations officielles sont bien évidemment ridicules. Ainsi en 2019, les industriels du médicament ont bénéficié de plus de 700 millions de crédits d'impôt recherche : plus de 230 fois les sommes déclarées au CEPS. Ce qui donne une idée de la sous-déclaration des firmes.

Les industriels du médicaments poursuivent ainsi en toute quiétude leur brillante carrière dans la transparence opaque, à moins qu'il s'agisse d'opacité transparente...

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Lire aussi :
- "Le prix des médicaments : hors de contrôle"
- "Pénuries de médicaments : depuis plus de 20 ans"
- "La charte "non merci" de Prescrire"

Sources :
- LEEM "Recherche et développement, un processus indispensable à l'innovation", 24 janvier 2023, site internet leem.org, 10 pages.
- Prescrire rédaction "Coûts de R&D : opacité à tous les étages" Prescrire 2023 ; 43 (475) : 379.

Crédits photo :
- Image 01 :
"Fragonard JH - Le colin-maillard" par "L'art au présent" sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Coûts de la R&D des médicaments : l'opacité" ; 28 Juil 2023 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/couts-de-la-rd-des-medicaments-lopacite/)
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