Certaines personnes argumentent que l’aide médicale d’État (AME) coûte de plus en plus cher. Selon elles, ce coût est trop élevé, et il conduit à diminuer les soins à l’ensemble des autres assurés sociaux. De plus, il y aurait de nombreux abus. Examinons la question.
L’AME coûte moins cher que l’assurance maladie générale
Budget annuel. En France, en 2023, l’aide médicale d’État (AME) a coûté environ 1,2 milliard d’euros. Évidemment, par rapport à votre budget, ou au mien, cela semble énorme. En réalité, le budget total de l’assurance maladie en 2022 a été d’environ 222 milliards d’euros, si bien que l’AME représente seulement 0,5 % de ce budget.
On peut aussi voir le coût par bénéficiaire. Pour la population générale, un coût de 222 milliards d’euros pour environ 65 millions de bénéficiaires fait environ 3400 euros par personne et par an. Le coût de l’AME par bénéficiaire est évalué à 604 euros par trimestre à la fin 2022, soit 2416 euros par an (1). Le coût de l’AME par bénéficiaire est donc nettement inférieur au coût de l’assurance maladie de la population générale.
Quand on sait que les bénéficiaires de l’AME font partie des couches les plus pauvres (2), à risque sanitaire les plus élevés du pays, on se dit que la dépense n’est pas excessive. On se dit aussi que le fait de ne pas avancer d’argent pour payer les soins (comme c'est le cas pour l'AME) ne provoque pas nécessairement des dépenses inconsidérées.
Le coût de l’AME n’augmente pas
Un autre argument est que le coût de l’AME augmenterait rapidement. Il est vrai que le budget global de l’AME augmente. Mais à l’inverse, le coût par bénéficiaire est en baisse. Il est passé de 2568 euros par an en 2009 à 2416 euros en 2022, soit moins 6 % en 13 ans.
En réalité, si le budget global de l’AME augmente, c’est parce que le nombre de bénéficiaires s’accroît, en raison de l’augmentation du nombre d’étrangers en situation irrégulière. Une partie de cette croissance est due à la facilité de franchissement de certaines frontières hors métropole, par exemple entre le Brésil, le Surinam et la Guyane française (3). En métropole, une partie est due à l’augmentation du nombre des mineurs étrangers non accompagnés.
Mais surtout, une grande partie de cette augmentation est due, non pas à une accélération de l’immigration, mais à un durcissement des conditions d’obtention d’un statut légal pour les étrangers. De plus en plus de personnes se trouvent ainsi « sans papiers ». Par exemple, il arrive souvent qu’une Préfecture décide d’expulser un étranger (quelle qu’en soit la raison) mais que l’expulsion soit impossible, soit parce qu’elle est interdite par un jugement, soit parce que le pays destinataire refuse. Dans ces cas, la logique (et les textes internationaux) voudraient que l’étranger se voit accorder un titre de séjour. Mais ce n’est pas toujours ce qui arrive, loin de là. Dans d’autres cas, une personne obtient un titre de séjour (par exemple comme « étranger malade »), mais l’administration ne régularise pas les membres de sa famille, bien qu’ils ne soient évidemment pas expulsables.
Une bonne partie des « sans papiers » ne sont donc pas des clandestins, mais les victimes d’une situation de blocage dans laquelle une expulsion est impossible, mais où l’administration ne régularise pas la ou les personnes concernées. Il est paradoxal d’accuser les étrangers d’être la cause des incohérences de comportement de l’administration française.
En résumé : Le coût de l’Aide médicale d’État par bénéficiaire est bien inférieur au coût de l’assurance maladie de la population générale. Il n’est pas en augmentation, mais diminue légèrement depuis plus de 10 ans. Ce qui augmente, c’est le nombre de bénéficiaires, en raison notamment du refus de l’administration française de régulariser un certain nombre de personnes qui devraient l’être, puisque leur expulsion est impossible.
Notes
1- On arrive à un résultat peu différent (2575 euros) en divisant 1,2 milliards par le nombre de bénéficiaires estimé fin 2023, soit 466 000.
2- Rappelons que la principale cause d’inégalité de santé est l’inégalité sociale. Beaucoup d’étrangers en situation irrégulière et de mineurs étrangers non accompagnés vivent à la rue. Leur espérance de vie est alors plus courte que la moyenne d’environ 40 ans. Vous avez bien lu : ils meurent en moyenne avant l’âge de 50 ans (soit 40 ans plus jeunes que la moyenne des habitants de ce pays).
3- La frontière entre le Brésil et la Guyane française est la plus longue frontière terrestre de la République Française avec un autre pays.
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Lire aussi :
- "Aide médicale d’État : de quoi il s’agit exactement"
- "Aide médicale d’État : la course d’obstacles"
- "Inégalités de santé"
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Sources :
- Direction de la sécurité sociale "Les chiffres clés de la sécurité sociale 2022"
- Evin C, Stefanini P "Rapport sur l’aide médicale de l’État" décembre 2023, 106 pages.
- Latournerie J-Y et coll. "L’aide médicale d’État : diagnostic et propositions" octobre 2019, 158 pages.
Crédits photo :
- Image 01 : "Brasil" par Willy Verhulst sur Flickr (recadré).
- Image 02 : "Homeless" par Dan Pupius sur Flickr (recadré)