Pros : Prescrire, avril 2024 : médicaments utiles et inutiles

Par le 22 juin 2024, actualisé le 24 Juin 24.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro d’avril 2024. 

POUR LES PROS : 
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro d’avril 2024 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments". 

Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis 

Rien en avril 2024

Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en avril 2024

Apporte quelque chose : 3 - apport limité

dupilumab (Dupixent°) dans le prurigo nodulaire. Il s’agit de petites « boules » internes à la peau, d’un diamètre généralement supérieur à 1 cm, qui démangent et durent depuis au moins 6 semaines. Après échec d’un traitement local par dérivé de la cortisone, ce médicament semble diminuer l’envie de se gratter et améliorer la qualité de vie. Les lésions diminuent souvent (mais risquent de revenir à l’arrêt du traitement). 
leuproréline en seringue à 1,88mg (Enantone LP°) et puberté précoce. Un nouveau dosage, utile pour les (rares) enfants atteints de puberté précoce et pesant moins de 20 kilos.
lipegfilgrastim (Lonquex°) dans les neutropénies dues à une chimiothérapie à partir de l’âge de 2 ans. Les chimiothérapies font parfois perdre certains globules blancs du sang, avec un risque d’infection grave : c’est une neutropénie. Ce traitement permet une injection par cycle de traitement au lieu d’une injection par jour, ce qui est un petit avantage. (1 flacon, 594€)

Éventuellement utile : Aucun - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

Rien en avril 2024

N'apporte rien de nouveau : 5 - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- semaglutide injectable (Wegovy°) dans l’obésité des adolescents. Dans un essai, au bout de presque un an 1/2, le médicament a diminué le poids chez la plupart des ados. Mais avec des effets indésirables souvent gênants. Et surtout, les effets à long terme sont inconnus, en particulier ses effets psychiques.
- zanubrutinib (Brukinsa°) dans certains cancers du sang. Il s’agit de la leucémie lymphoïde chronique, de la macroglobulinémie de Waldenström et des lymphomes de la zone marginale. Dans tous ces cas, par comparaison avec l’ibrutinib (dont il est proche), le zanubrutinib ne semble permettre aucun progrès : ni allongement de la durée de vie , ni amélioration de la qualité de vie, ni diminution des signes et symptômes. Et ses effets indésirables sont tout aussi graves. (120 gélules : 4 750,87 €).
- dexaméthasone + lévofloxacine en collyre (Dugressa°) après chirurgie de la cataracte. Un dérivé de la cortisone + un antibiotique pour éviter (sans preuve) les complications de l’opération. En l’absence d’essai comparatif avec la tobramycine (un autre antibiotique), impossible de conclure à un progrès tangible.
- bimékizumab (Bimzelx°) dans certains rhumatismes (spondylarthrites axiales et rhumatismes psoriasiques). En l’absence d’essai comparatif adéquat, impossible de dire si cet anticorps anti-interleukine est plus efficace que d’autres, pour des effets indésirables semblables. (Médicament non remboursé par l’Assurance maladie française en mars 2024, dans ces indications).
olipudase alfa (Xenpozyme°) dans certains déficits en sphingomyélinase acide (maladie génétique qui provoque des troubles graves du foie, du système nerveux et des poumons, conduisant parfois à la mort). Un petit essai sur 36 patients ne permet pas de conclure que ce médicament diminue les symptômes et améliore l’état de santé réel des malades.

Pas d’accord : 1

nétarsudil (Rokiinsa) et nétarsudil + latanoprost (Roclanda°) dans le glaucome chronique. Le glaucome est une maladie dans laquelle la pression interne de l’oeil augmente. Les traitements de premier choix sont alors le timolol ou le latanoprost. Non seulement les spécialités à base de nétarsudil n’ont pas été plus efficaces que ces traitements, mais encore les effets indésirables ont semblé plus fréquents, et on ne sait rien de l’efficacité à long terme, alors que le traitement est censé durer un grand nombre d’années. (médicament non remboursé par l’Assurance maladie française en mars 2024)

Le préservatif féminin est cylindre en latex ou en vinyle à usage unique. Deux anneaux souples se trouvent à ses extrémités. L’un aide à l’introduire dans le vagin et l’autre recouvre les grandes lèvres, à l’extérieur. On peut retirer l’anneau du fond pour utiliser le préservatif au cours de rapports anaux. 
Depuis janvier 2024, les préservatifs féminins peuvent être obtenus gratuitement et sans ordonnance en pharmacie par les personnes âgées de moins de 26 ans.

La rédaction ne peut se prononcer : 2 

avapritinib (Ayvakyt°) dans les mastocytoses systémiques avancées. Dans ces maladies rares, des cellules immunitaires appelées mastocytes se développent de manière anormale. Un essai non comparatif sur moins de 50 patients suggère (sans le démontrer) une possible augmentation de la durée de vie, mais cette supposition demande à être confirmée. 
nivolumab (Opdivo°) en traitement adjuvant de certains cancers des bronches graves, avant chirurgie. Dans cette situation, un essai comparatif avec tirage au sort est en cours : nivolumab + chimiothérapie contre chimiothérapie seule. Attendons ses résultats. 

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Mauvaises nouvelles : 2 

- L’association bupropione + naltrexone (Mysimba°) est encore autorisée dans la perte de poids. Ce médicament est déconseillé par Prescrire, en raison de son efficacité modeste et de ses risques cardiovasculaires et neurologiques (dont des convulsions) : la bupropione est chimiquement proche de certains dérivés des amphétamines. En 2014, l’agence du médicament des USA avait exigé un essai pour évaluer les risques de troubles cardiaques (notamment infarctus du myocarde). Il est considéré comme inexploitable en raison de « ‘négligences » dans la gestion de ses résultats. Un deuxième essais, demandé par l’agence européenne du médicament (EMA), a été interrompu sans qu’on sache pourquoi. Et un troisième essai n’a jamais débuté, après que l’EMA ait jugé son protocole inadapté pour évaluer les effets indésirables du médicament… En attendant, le médicament est toujours sur le marché.
- L’alimémazine (Théralène°) toujours autorisé et remboursable dans les troubles du sommeil.Ce médicament aux propriétés neuroleptiques a des effets indésirables parfois grave : troubles neurologiques (mouvements anormaux), troubles endocriniens et sexuels, troubles du rythme cardiaque, toxicomanie, risque mortel en cas de surdosage... La HAS (haute autorité de santé) a pourtant recommandé d’en maintenir le remboursement… En tout cas, mieux vaut éviter les médicaments ou en utiliser de moins risqués plutôt que de s’aventurer à utiliser de l’alimémazine, surtout chez des enfants.

Bonnes nouvelles : 1 

Les préservatifs féminins sont gratuits en pharmacie, sans prescription, pour les moins de 26 ans. Les préservatifs féminins se placent à l’intérieur du vagin. Ils sont presque aussi efficaces que les préservatifs masculins pour la prévention des grossesses et ils diminuent le risque d’infection sexuellement transmissible. Avantage : ils ne nécessitent pas la participation du partenaire masculin. Inconvénients : il sont parfois difficiles à mettre en place, donnent une sensation de froid et peuvent faire du bruit au cours des rapports sexuels.
Pour les personnes de 26 ans et plus, ils sont remboursés à 60 % par l’assurance maladie française (sur ordonnance). On peut aussi en trouver gratuitement dans les centres de santé sexuelle, les CeFIDD et les associations de lutte contre le VIH. 

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo. 

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Lire aussi : 
Les objectifs des traitements et des diagnostics
La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
Des médicaments à ne pas utiliser : 2023

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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2024 ; 44 (486) : 245-269. 
2-Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.

Les prix indiqués proviennent de Prescrire et sont arrondis à l’euro le plus proche. Lorsqu'aucun prix n'est indiqué, c'est que le prix n'est pas indiqué. C'est par exemple le cas pour les médicaments qui ne sont commercialisés qu'à l'hôpital et dont le prix peut varier.

Crédits photo :
Image n°1 : "Sous une pluie de médicaments" par Jean Doubovetzky sur Copilot (recadré).
Image n°2 : "Female condom" par Gelah sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, avril 2024 : médicaments utiles et inutiles" ; 22 Juin 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-avril-2024-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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