Pros : Prescrire, août 2024 : médicaments utiles et inutiles

Par le 20 octobre 2024, actualisé le 20 Oct 24.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro d’août 2024. 

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité.Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de août 2024 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments". Les prix indiqués proviennent de Prescrire ou du dictionnaire Vidal et sont arrondis à l’euro le plus proche. Le prix n’est généralement pas connu pour les médicaments réservés à l’hôpital ou non remboursables.

Bravo : Aucun

- Progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis : rien en août 2024

Intéressant : Aucun

- Progrès thérapeutique important, avec certaines limites : rien en août 2024

Apporte quelque chose : Aucun

- Apport limité : rien en août 2024

Éventuellement utile : 1 - Intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- ruxolitinib en crème (Opzelura°) dans les vitiligos. Dans cette maladie auto-immune de la peau, des zones dépigmentées (taches claires ou blanches) apparaissent sur la peau. Dans un essai, le traitement a permis la guérison chez 16 % des patients (environ un patient sur six traités) contre 2 % pour le placebo (un sur cinquante). Mais les effets indésirables de cet immunodépresseur sont parfois graves. Réservons le aux rares cas où le retentissement social ou psychologique de la maladie est important. (838 € le tube de 100g)

N'apporte rien de nouveau : 2 

- oritavancine (Tenkasi°) dans certaines infections de la peau ou des tissus mous (si une hospitalisation est justifiée, chez les adultes et les enfants à partir de 3 mois). Son avantage est de pouvoir être administré en une seule perfusion. Mais il n’a jamais été évalué dans les infections graves. Et il reste très longtemps dans l’organisme (plusieurs dizaines de jours), ce qui rend les choses très compliquées en cas d’effet indésirable grave. (réservé à l’hôpital)
- mirikizumab (Omvoh°) dans la rectocolite hémorragique. Une efficacité modeste par comparaison au placebo, et aucune comparaison avec les autres immunodépresseurs. Impossible de dire que ce médicament est meilleur que ceux qui existent déjà dans cette maladie. (pas de prix connu)

Dans mon bureau, cette vitrine expose une bonne partie des matériels que distribue gratuitement le Centre d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des Risques pour Usagers de Drogues (CAARUD) de mon quartier :
des kits pour injections, mais aussi diverses sortes de seringues et d’aiguilles, des boites pour les jeter, divers filtres, des garrots, des préservatifs masculins et féminins, de l’eau stérile, des pipes à crack, des rouleaux de papier aluminium non traité (pour « chasser le dragon », c’est-à-dire inhaler de l’héroïne, à moindre risque), etc. Sans parler de multiples brochures.

Pas d’accord : 5

- ivosidénib (Tibsovo°) dans certains cancers rares des voies biliaires (cholangiocarcinomes), en 2e traitement ou plus. Un seul essai chez 187 patients, sans allongement démontré de la durée de vie. Et des effets indésirables parfois graves, voire mortels : troubles cardiaques et neurologiques, hémorragies, insuffisances hépatiques, etc. (13 800 € les 60 comprimés)
- futibatinib (Lytgobi°) dans certains cancers rares des voies biliaires (cholangiocarcinomes avec mutation FGFR2), impossibles à opérer ou avec métastases, en 2e traitement ou plus. Un seul essai, non comparatif, avec seulement 103 malades, qui ne démontre pas que la durée de vie est augmentée. Et des effets indésirables fréquents et parfois graves. Dans cette situation, restons-en aux soins palliatifs. (non remboursable)
- baricitinib (Olumiant°) dans la pelade sévère des adultes. C’est une maladie autoimmune fréquente dans laquelle apparaissent des plaques d’alopécie (zones de perte complète des cheveux et parfois des poils, cils et sourcils). Son retentissement est surtout psychologique. Le traitement médicamenteux de premier recours est un dérivé de la cortisone. Le baricitinib est un immunosuppresseur de type « Janus kinase » aux effets indésirables graves. Il ne semble permettre la repousse des cheveux que chez environ un patient sur 4, avec des rechutes très fréquentes à l’arrêt du traitement. Ce faible bénéfice ne vaut pas le risque. (577 € les 28 comprimés).
- sécukinumab (Cosentyx°) dans l’hidrosadénite suppurée (= maladie de Verneuil). C’est une maladie inflammatoire des glandes à sueur, qui évolue par poussées. Dans les essais comparatifs avec tirage au sort, les lésions ont disparu en totalité chez 11 % des personnes traitées par le médicament et chez 5 % de celles traitées par placebo. Ce résultat ne vaut pas les risques (parfois mortels) d’un traitement immunosuppresseur (245 à 488 € la dose).
- sutimlimab (Enjaymo°) dans la maladie des agglutinines froides. C’est une maladie autoimmune dans laquelle des anticorps dits « froids » provoquent la destruction de globules rouges. Lorsque les malades n’ont pas besoin de transfusion sanguine, le sutimlimab diminue plus la fatigue qu’un placebo, mais il ne diminue pas le risque de poussée de la maladie ni de transfusion sanguine. Alors qu’il provoque des effets indésirables graves, en particulier des infections. (pas de prix connu)

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La rédaction ne peut se prononcer : 2

- ivosidénib (Tibsovo°) dans certaines leucémies myéloïdes aiguës (avec mutation IDH1, en premier traitement). Un seul essai, en association avec l’azacitidine. Il semble probable que l’ivosidénib augmente la durée de vie, mais on ne peut pas dire de combien. Et ses effets indésirables sont nombreux et graves, parfois mortels : troubles cardiaques et neurologiques, hémorragies, insuffisances hépatiques, etc. Attendons d’en savoir plus… (13 800 € les 60 comprimés)
- ivacaftor + lumacaftor (Orkambi°) dans la mucoviscidose chez les enfants de un à deux ans. Un seul essai non comparatif sur 47 nourrissons ne démontre rien. Et les effets indésirables sont très mal connus. (10 141 € les 56 sachets pour le dosage nourrissons)

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Mauvaises nouvelles : Aucune - Rien en août 2024 `

Bonnes nouvelles : 1

Trousses de prévention pour usagers de drogues injectables en pharmacie. Fin 2024, on peut se procurer dans les pharmacies françaises, pour un prix modique (1 euro), deux gammes de trousses destinées aux usagers de drogues injectables. Elles contiennent du matériel destiné à permettre des injections propres, diminuant en particulier le risque de complications infectieuses. Ces deux gammes de trousses, « KitExper° » et « Stéribox° » semblent peu différentes. Elles contiennent un mode d’emploi, des seringues, de l’eau stérile pour préparation injectable et divers filtres. Des trousses équivalentes sont également distribuées gratuitement par des services spécialisés en addictologie, comme les Centres de Soin, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) ou les Centres d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des Risques pour Usagers de Drogues (CAARUD). Dans ces centres, on trouve aussi d’autres matériels utiles comme des préservatifs masculins et féminins, différentes aiguilles et des boites pour les jeter, du papier aluminium non traité, etc. (1 € maximum la boite, gratuit en CSAPA ou en CAARUD).

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.

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Lire aussi : 
Les objectifs des traitements et des diagnostics
La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
Médicaments à ne pas utiliser : 2024
- La charte des médecins de Cantepau

Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2024 ; 44 (490) : 565-590. 
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.

Crédits photo :
Image n°1 : "Prescrire aout 2024" par Jean Doubovetzky.
Image n°2 : "Vitrine de prévention des risques" par Jean Doubovetzky.

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, août 2024 : médicaments utiles et inutiles" ; 20 Oct 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-aout-2024-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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