Pros : Prescrire, décembre 2023 : médicaments utiles et inutiles

Par le 19 février 2024, actualisé le 20 Fév 24.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de décembre 2023.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de décembre 2023 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en décembre 2023

Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en décembre 2023

Apporte quelque chose : Aucun - apport limité

Rien en décembre 2023

Éventuellement utile : 1 - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- vaccin RSVPreF (ABRYSVO°) pendant la grossesse pour diminuer le risque d’infection à VRS chez les enfants après la naissance. Chez les nourrissons non prématurés et en bonne santé, les infections à virus respiratoire syncytial (VRS) sont rarement graves. Dans un essai comparatif avec tirage au sort, sur 1000 nourrissons nés de femmes vaccinés, 5 ont eu une infection sévère (le plus souvent avec hospitalisation) avant l’âge de 9 mois. Lorsque les mères n’ont pas été vaccinées, il y a eu 13 infections sévères. Cet essai n’a pas étudié la mortalité. Et la vaccination a augmenté le risque d’accouchement prématuré. Au total, le progrès semble mince.

N'apporte rien de nouveau : 3 - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- Olaparib (Lynparza°) en plus de l’abiratérone dans certains cancers de la prostate métastasés. Un unique essai comparatif n’a pas montré d’amélioration de la survie par rapport au placebo, mais une augmentation des effets indésirables graves (embolies pulmonaires, troubles du rythme cardiaque…)
- maribavir (Livtencity°) dans les infections réfractaires à cytomégalovirus (CMV). Ces infections sont surtout fréquentes et graves chez des personnes greffées qui prennent un traitement immunosuppresseur. Aucun essai n’a montré d’avantage du maribavir par rapport aux autres antiviraux anti-CMV. Et il interfère avec de nombreux médicaments (notamment immunosuppresseurs), ce qui complique le traitement.
- ceftolozane + tazobactam (Zerbaxa°) (en perfusion) dans les infections urinaires ou abdominales graves des enfants. Cette association antibiotique est déjà sur le marché pour le traitement des infections à certaines bactéries (Gram négatif) résistantes à d’autres antibiotiques (céphalosporines et carbapénèmes)… sans preuve d’efficacité clinique, faute d’essai correct. Il en est maintenant de même pour les enfants.

Qu'un laboratoire ne soit pas capable de fournir les seringues adaptées à son médicament
et que les autorités sanitaires laissent faire, sans même dire pour combien de temps, voilà qui illustre la décrépitude du système de santé français

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Pas d'accord : 0 - Aucun

Rien en décembre 2023

La rédaction ne peut se prononcer : 2

- étiléfrine (Effortil°) contre le priapisme. Le priapisme est une érection anormalement longue, sans stimulation sexuelle, souvent douloureuse. Si elle dure plus de 3h, elle peut provoquer des séquelles. Mais le priapisme est rare, et le plus souvent, les épisodes se terminent sans traitement avant le délai de 3h. Dans le traitement des épisodes de priapisme commencés depuis moins d’une heure, on ne dispose que de quelques descriptions de cas, et d’aucune étude comparative. Dans le traitement préventif des priapismes récidivants, il n’est pas certain que l’étiléfrine diminue la fréquence des crises. Or les risques cardiaques ne sont pas nuls : tachycardie, angor, accidents vasculaires cérébraux (AVC), etc.
- brexucabtagène autoleucel (Tecartus°) dans certaines leucémies graves (leucémies aiguës lymphoblastiques à cellules B, réfractaires ou en rechute). Un essai non comparatif aux résultats pratiquement ininterprétables, et des effets indésirables graves, parfois mortels : attendons un essai comparatif randomisé.

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Mauvaises nouvelles : 1

- Vozoritide (Voxzogo°) pour enfant avec des seringues inappropriées.
Ce médicament injectable est destiné au traitement d’une maladie génétique rare, l’achondroplasie, qui ralentit profondément la croissance osseuse. Pour des « raisons d’approvisionnement », les seringues correctes ont été remplacées par des seringues à insuline, avec des graduations inadaptées. Bien sûr, des informations sont fournies aux parents des patients. Mais tout de même ! Combien de temps les autorités de santé laisseront-elles les laboratoires faire n’importe quoi ?

Bonnes nouvelles : 1

- dispositif de mesure de l’INR (Coaguchek Inrange°) pour les adultes traités par antivitamine K. Chez les personnes traités par ces médicaments, qui sont des anticoagulants, il est important de vérifier que l’anticoagulation est efficace, et qu’elle n’est pas trop importante, ce qui ferait courir des risques de saignement grave. Cette vérification se fait en mesurant l’INR (pour International Normalized Ratio) à partir d’une prise de sang. La possibilité de mesurer soi-même, à domicile, son INR est donc la bienvenue. C’était déjà le cas pour les enfants, c’est maintenant le cas pour toute personne traitée par antivitamine K, sous réserve toutefois d’une formation adaptée.

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.

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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023

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Sources :
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2023 ; 43 (482) : 885-908.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.

Crédits photo :
Image n°1 : "Prices of essential COVID-19 medicines have increased" par Marco Verch sur Flickr (recadré).
Image n°2 : "Insulin syringes in a crystal glass" par Jim Hammer sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, décembre 2023 : médicaments utiles et inutiles" ; 19 Fév 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-decembre-2023-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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