Pros : Prescrire, avril 2023 : médicaments utiles et inutiles

Par le 26 juin 2023, actualisé le 26 Juin 23.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de avril 2023.

POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro d'avril 2023 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en avril 2023

Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en avril 2023

Apporte quelque chose : 0 (zéro) - apport limité

Rien en avril 2023

Éventuellement utile : 2 (deux) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

  • difélikéfaline (Kapruvia°) dans le prurit de l'insuffisance rénale. L'insuffisance rénale peut provoquer une envie féroce de se gratter. Dans les essais comparatifs, environ 2 à 3 patients sur 10 ont été soulagés avec un placebo, et 4 patients sur 10 avec la difélikéfaline. Ce n'est pas extraordinaire, mais pour le moment, on n'a pas mieux.
  • lenvatinib (Lenviam°) + pembrolizumab (Keytruda°) dans le cancer de l'endomètre avancé ou en rechute. Dans ces cancers de l'utérus, cette association a permis un allongement de 7 mois de la durée de vie médiane, malgré des effets indésirables graves.

Chaque année, dans son numéro d'avril, Prescrire insère un "poisson". L'objectif est de stimuler l'esprit critique des lecteurs. Cette année, le poisson d'avril de Prescrire était dissimulé dans le "rayon des nouveautés". Saurez-vous le détecter parmi les résumés proposés par anti Dr Knock ?

N'apporte rien de nouveau : 5 (cinq) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

  • eptinezumab (Vyepti°) en prévention des migraines. Les migraines sont une catégorie à part de maux de tête. L'eptinezumab n'a pas été comparé à d'autres traitements préventifs comme le propranolol. De plus, il nécessite des perfusions et ses effets indésirables ne sont pas négligeables (notamment allergies, crises d'hypertension).
  • mépolizumab (Nucala°) dans la polypose nasaux. Dans cette affection, des polypes et une inflammation sont à l'origine d'un nez bouché avec troubles de l'odorat et du goût. Le traitement courant est un dérivé de la cortisone par voie nasale. En cas d'échec, l'ajout de mépolizumab diminue légèrement les symptômes au bout d'un an, mais les effets indésirables de cet immunodépresseur peuvent être redoutables (nancers, infections, etc.)
  • daratumumab (Darzalex°) dans certaines amyloses. Dans certaines de ces maladies rares (les amyloses systémiques à chaines légères), des dépôts provoquent des troubles du fonctionnement de nombreux organes, notamment le coeur et les reins. Avec un risque élevé de mourir au bout de peu d'années en l'absence de traitement. L'ajout de daratumumab au traitement habituel n'a pas prolongé la vie des patients, ni amélioré leur qualité de vie.
  • doravirine seule (Pifeltro°) ou associée (Delstrigo°) dans le HIV chez les adolescents. N'apporte pas de progrès démontré par comparaison avec les autres médicaments de la même famille : les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse du HIV.
  • sécukinumab (Cosentyx°) dans certaines arthrites juvéniles liée au psoriasis. Dans ces atteintes des articulations ou des des ligaments par une inflammation, le sécukinumab n'a pas été comparé à d'autres immunodépresseurs.

Pas d'accord : 1 (un) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains

  • ozanimod (Zeposia°) dans la rectocolite hémorragique. Ce médicament immunodépresseur est plus efficace qu'un placebo, mais il n'a pas été comparé à ses concurrents. Ses preuves d'efficacité sont fragiles et ses effets indésirables graves : troubles cardiovasculaires, atteintes du foie, etc.

La rédaction ne peut se prononcer : 0 (zéro)

Rien en avril 2023


Mauvaises nouvelles : 1 (une)

  • attention à l'association ibuprofène + codéine ! Certains comprimés contiennent une association d'ibuprofène (un anti-inflammatoire) et de codéine (un dérivé de l'opium). Il n'est pas démontré que cette association est plus efficace contre la douleur que l'ibuprofène seul. Mais la prise de codéine peut aboutir à une accoutumance et à une dépendance. Dans ces cas, les patients sont tentés d'augmenter les doses. Ce qui provoque un surdosage en ibuprofène, avec un risque d'insuffisance rénale, de perforations digestives et de pertes sanguines. Certains cas sont mortels

Bonne ou mauvaise nouvelle ? : 1 (une)

Un palliatif aux difficultés d'approvisionnement de certains médicaments. En raison de la persistance de difficultés d'approvisionnement sévères de certains médicaments, des mesures temporaires sont à l'étude. Il s'agit d'autoriser :

  • le remplacement de certains excipients (des éléments du médicament qui n'ont pas d'effet thérapeutique) ;
  • le remplacement de certains principes actifs (la molécule réellement active du médicament) par un autre de la même famille (ayant plus ou moins les mêmes effets) :
  • en dernier ressort, la diminution de moitié de la dose du principe actif.

Si vous avez bien lu, cet article est paru dans le numéro d'avril de Prescrire : il s'agissait évidemment de son "poisson" annuel. Quelques détails pouvaient en convaincre les hésitants, comme une référence tirée du site internet "www.mdr.lol consulté le lendemain du 31 mars 2023". Personnellement, j'ai ri un peu jaune…

Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.


a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.


Lire aussi :

Sources :
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2023 ; 43 (474) : 245-263.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.

Crédits photo :
Image n°1 : "Il faut continuer" par Charles Kaiser sur Flickr (recadré)
Image n°2 : "Carte postale 1er avril 1910" par HM Tappen sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, avril 2023 : médicaments utiles et inutiles" ; 26 Juin 2023 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-actualites/pros-prescrire-avril-2023-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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