Certains résultats d’analyse provoquent une grande inquiétude, alors qu’ils sont tout simplement normaux. C’est parfois le cas lorsqu’une courbe est (mal) présentée avec le dernier résultat et des résultats antérieurs, donnant la fausse impression d’une dégradation subite et importante. Exemple vécu.
Une analyse concernant les reins : le débit de filtration glomérulaire ou DFG
Les reins filtrent le sang ou plus précisément le plasma sanguin, c’est-à-dire le liquide qui transporte les globules sanguins. Cette filtration aboutit à la formation d’urine, ce qui permet l’élimination de substances inutiles pour l’organisme, et qui seraient toxiques si elles étaient conservées. Les reins ajustent la quantité d’eau et de sels minéraux présents dans le corps (par exemple le sodium et le potassium). Ils produisent aussi des hormones et des vitamines.
Pour savoir si les reins fonctionnent correctement, on fait une prise de sang, et on analyse un déchet produit par les muscles : la créatinine. Puis on calcule la quantité de plasma (de sang) que les reins sont capables d’épurer en une minute : c’est le débit de filtration glomérulaire ou DFG (GFR en anglais) (a).
Un cas vécu
Il y a quelques mois, un patient est venu me consulter, tout affolé, parce qu’il avait reçu des résultats d’analyse sanguine. D’après ce qu’il avait cru comprendre, ses reins étaient en danger et il craignait de devoir subir un traitement par dialyse.
Voici, ci-dessous, une reproduction du document qu’il me présenta. Elle représente le débit de filtration glomérulaire sur trois prises de sang successives, à quelques années d'intervalle.
L’impression que donne cette courbe, c’est que le débit de filtration glomérulaire diminue à toute vitesse, et qu’il va bientôt être à zéro, ce qui est, en effet, inquiétant.
Mais en y regardant de plus près, les chiffres en bas à gauche ne partent pas de zéro. Et d’autre part, sur cette courbe, rien n’indique quelle est la limite de la normale. En réalité, tous les résultats au-dessus de 90 sont absolument normaux. Il n’y a que lorsque les résultats se maintiennent pendant plusieurs mois au-dessous de 60 qu’on parle d’un début d’insuffisance rénale chronique.
Si on redessine les résultats len mettant à gauche tous les chiffres à partir de zéro et qu’on indique quelle est la limite de la normale, la courbe prend une toute autre allure.
On voit que non seulement toute la courbe est dans la zone normale, mais elle est loin de la limite, et ses variations sont de faible amplitude. Et en effet, après quelques explications, mon patient est reparti rassuré. Mais il avait passé quelques mauvaises journées et quelques mauvaises nuits.
Deux précautions pour ne pas s’affoler inutilement devant des résultats d’analyse
Dans tous les cas, il est important de voir si la « normale » est indiquée. Si les résultats sont « normaux », on peut généralement se rassurer. S’ils sont anormaux, il est possible qu’il y ait un problème, mais ce n’est pas certain. Il y a en effet plusieurs sortes de « normale » et il faut vérifier chaque cas. Lire à ce sujet l'article "C’est normal, Docteur ?".
D’autre part, s’il y a une courbe, il est important de savoir qu’elle est l’échelle utilisée à gauche, si elle part du zéro ou pas, et si la limite de la normale est indiquée ou non.
a- Il existe plusieurs méthodes de calcul et la méthode considérée comme la meilleure en 2024 est appelée « DFG CKD-EPI ». Sauf cas exceptionnels, c’est cette méthode qui est actuellement utilisée. Nous n’entrerons pas plus dans les détails.
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Sources :
- Prescrire rédaction "" Prescrire 2020 ; 40 (441) : 515-521.
- Inker LA et coll. "Assessment of kidney function" In: UpToDate, Post TW (Ed), UpToDate, Waltham, MA, USA. (Mise à jour en juillet 2024).
Crédits photo :
Image n°1 : "More blood tests" par Rob Allen sur Flickr (recadré).
Images n°2 et n°3 : "Analyses sanguines (août 2024)" copyright Jean Doubovetzky.