Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de juin 2024.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité.Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de juin 2024 (réf. 1).Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments". Les prix indiqués proviennent de Prescrire et sont arrondis à l’euro le plus proche.
Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en juin 2024
Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en juin 2024
Apporte quelque chose : Aucun - apport limité
Rien en juin 2024
Éventuellement utile :2 - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- risankizumab (Skyrizi°) dans la maladie de Crohn. Dans cette maladie inflammatoire de l’intestin, il semble peut-être un peu plus efficace que l’ustékinumab dans un essai comparatif non aveugle (donc fragile) chez des patients en échec de traitement.
- sacituzumab govitécan (Trodelvy°) dans certains cancers du sein (métastasés, avec récepteurs hormonaux, en échec répété de traitement). Dans un essai non aveugle (donc fragile), la durée de vie a été allongée d’environ 3 mois, au prix d’une augmentation des effets indésirables graves (1 075 € le flacon, prix maximum).
N'apporte rien de nouveau : 7 - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- doxylamine 20mg + pyridoxine 20mg à libération prolongée (Xonvea°) dans les nausées / vomissements de la grossesse. La doxylamine est sans doute le médicament le plus adapté en cas de nausées / vomissements de la grossesse, à la dose la plus faible efficace. L’ajout de pyridoxine (vitamine B6) et la présentation en comprimés à libération prolongée n’ajoutent rien.
- finéténone (Kerendia°) dans les atteintes rénales du diabète de type 2. Dans cette complication du diabète, les médicaments de premier choix sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les « sartans » (b). L’ajout de finéténone ne semble pas diminuer le risque d’évolution grave vers la mort ou vers la dialyse, mais fait courir un risque d’hyperkaliémie grave.
- émicizumab (Hemlibra°) injectable dans l’hémophilie A. En prévention, dans les cas de risque d’hémorragie grave, aucun essai comparatif ne permet de savoir s’il vaut mieux que les traitements déjà disponibles.
- nivlumab + rélatlimab (Opdualag°) dans les mélanomes non opérables ou métastasés. Les essais ne montrent pas de diminution de la mortalité par comparaison avec le nivlumab seul, alors qu’il peut entraîner des effets indésirables graves.
- rélugolix (Orgovyx°) dans les cancers avancés hormonosensibles de la prostate. Pas d’amélioration sur les symptômes ou la durée de vie dans un essai comparatif non aveugle (donc fragile) (89,48 € les 30 comprimés).
- ibrutinib (Imbruvica°) associé au vénétoclax dans la leucémie lymphoïde chronique. En premier traitement, moins d’aggravations de la maladie, mais pas de diminution de la mortalité, et plus d’effets indésirables graves.
- ravulizumab (Ultomiris°) dans les neuromyélites optiques. Dans cette maladie rare mais grave des yeux, ce médicament n’a pas été comparé à l’éculizumab, si bien qu’on ne peut pas savoir s’il représente un progrès.
Pas d’accord : 2
- solifénacine + tamsulosine (Vecalmys°) dans l’hypertrophie bénigne de la prostate. Dans cette maladie très fréquente de la prostate, on dispose de nombreux médicaments. Il n’est pas montré que l’association de ces deux médicaments fait mieux que la tamsulosine seule, et ils peuvent provoquer des hypotensions, des troubles cardiaques, des troubles de l’érection, etc. Mieux vaut s’en passer ! (10,83 €. pour 30 comprimés)
- upadacitinib (Rinvog°) dans la maladie de Crohn. Les essais n’ont pas montré sa supériorité sur les anti-TNF alpha, alors qu’il présente plus d’effets indésirables graves (infections, troubles cardiovasculaires, cancers). Inacceptable.
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La rédaction ne peut se prononcer : 1
- tabélecleucel (Ebvallo°) dans certaines complications post-greffe. Après une greffe, les immunodépresseurs peuvent provoquer des complications liées au virus d’Epstein-Barr (EBV), notamment une développement de certains globules blancs (les lymphocytes B). Le tabélecleucel semble diminuer le risque tumoral, sans effet démontré sur la durée de vie. On manque de données… (75 000 € le flacon, prix maximum)
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Mauvaises nouvelles : 1
La pseudo-éphédrine toujours commercialisée pour le rhume en Europe (c). Ce traitement du rhume par spray nasal peut provoquer des maux de tête soudains, des nausées, des vomissements, des convulsions, des troubles visuels, qui sont parfois le prélude à un accident vasculaire cérébral. Au lieu de rédiger des mises en garde et des contre-indications dont l’efficacité réelle est douteuse, il aurait mieux valu que l’agence européenne retire ces médicaments du marché. N’en utilisons pas !
Bonnes nouvelles : Aucune
Rien en juin 2024
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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) juins dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
b- Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion commercialisés en France à l’été 2024 sont les suivants : bénazépril (Cibacen° et autres) ; captopril(Lopril° et autres) ; énalapril ( Renitec° et autres) ; fosinopril (Fosinorm° et autres) ;lisinopril (Zestril° et autres) ; périndopril (Coversyl° et autres) ; quinapril (Accupro° et autres) ; ramipril (Triatec° et autres) ; trandolapril (Gopten° et autres) ; zofénopril (Zofénil° et autres).
Les sartans (ou antagonistes de l’angiotensine 2) commercialisés en France à l’été 2024 sont les suivants : candésartan (Atacand° et autres), éprosartan(Teveten° et autres), irbésartan Aprovel° et autres), losartan (Cozaar° et autres), olmésartan (Alteis° et autres), telmisartan (Micardis° et autres), valsartan (Tareg° et autres).
c- À l'été 2024, en France, les médicaments suivants (tous en vente libre) contiennent de la pseudo-éphédrine, et sont donc à éviter : Actifed rhume°, Actifed rhume jour et nuit°, Dolirhume°, Dolirhumepro°, Humex rhume°, Nurofen rhume°, Rhinadvil ibuprofène/pseudoéphédrine°, Rhinadvilcaps rhume ibuprofène/pseudoéphédrine°.
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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
- Médicaments à ne pas utiliser : 2024
- Nouvelles contre-indications de la pseudo-éphédrine
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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2024 ; 44 (488) :405-430.
2-Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.
Crédits photo :
Image n°1 : "Femme noire" par Jean Doubovetzky (avec Deep Dream Generator).
Image n°2 : Image 02 : Imagerie médicale tirée de Munoz et coll. J Clin Oncol 2013 (recadré).