Arrêter de prendre des médicaments antidépresseurs est souvent difficile. S'il est brutal, cet arrêt provoque souvent un syndrome de manque. L’apparition de symptômes mentaux est souvent attribuée par erreur à une rechute de la dépression, et certaines personnes finissent par penser qu’elles ne pourront jamais se passer d’antidépresseurs. Il est donc important d’arrêter les médicaments antidépresseurs de manière progressive
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Certaines personnes n’ont aucune difficulté à arrêter un traitement antidépresseur lorsque la dépression a guéri (voir la liste des médicaments antidépresseurs en note a). Mais d’autres n’y parviennent pas, même avec une diminution très lente des doses.
Le syndrome de sevrage aux antidépresseurs est fréquent
L'arrêt des antidépresseurs peut provoquer des symptômes pénibles. La sensibilité à ce syndrome de sevrage (ou de manque) varie fortement d’une personne à l’autre. Il survient surtout lorsque le traitement est arrêté rapidement (sur une période de moins de 4 semaines). Si 10 personnes arrêtent brutalement leur traitement antidépresseur, un syndrome de sevrage est observé chez 3 à 8 d’entre elles ! Et selon certaines études, une fois sur deux, les symptômes sont sévères.
Heureusement, il existe des méthodes pour diminuer le risque d’un sevrage désagréable, pouvant aboutir à l'impossibilité d’arrêter le traitement. Il s’agit de diminuer très progressivement les doses, sur plusieurs semaines ou plusieurs mois.
ATTENTION : il s’agit ici de l’arrêt de médicaments antidépresseurs utilisés pour traiter des dépressions. L’arrêt des traitements utilisés pour traiter des maladies bipolaires est plus complexe : il impose de la prudence et une bonne collaboration avec ses médecins.
Faire la différence entrez symptômes de sevrage et rechute dépressive
Les symptômes de sevrage sont très variés. Quelques « trucs » permettent de les reconnaître. En général, les symptômes de sevrage apparaissent brutalement, peu après l’arrêt ou la diminution de dose de l’antidépresseur : dans les jours qui suivent, parfois jusqu'à dix jours. Ce ne sont pas des symptômes de dépression (voir plus loin). Lorsque l’antidépresseur est pris à nouveau (ou que la dose est augmentée) en réponse aux symptômes de sevrage, ceux-ci disparaissent en quelques jours (souvent un seul jour).
À l’inverse, une rechute dépressive survient au moins 2 à 3 semaines après l’arrêt du traitement, voire plus tard. Les symptômes sont ceux de la dépression (tristesse, angoisse, absence de motivation, etc.) et ils s’aggravent progressivement. Ils ne s’estompent que plusieurs semaines après la remise en route d'un traitement.
Les symptômes du sevrage
Ils peuvent faire penser à une grippe (sensation de malaise, maux de tête, impression d’avoir chaud ou froid, fatigue, douleurs musculaires, etc.). Ce sont aussi parfois des insomnies, des cauchemars, des nausées, de la diarrhée, des troubles de l’équilibre (vertiges, troubles de la coordination des mouvements), des symptômes touchant les sens (vision, audition notamment), des tremblements et des troubles psychologiques (en particulier anxiété, morosité, irritabilité, excitation).
Selon les personnes, le syndrome de sevrage pourra comprendre certains signes et pas d’autres, et ces signes pourront être plus ou moins intenses et durables. De manière générale, l’arrêt d’un antidépresseur est plus difficile lorsque qu’il est rapidement éliminé du corps, lorsque la durée de traitement a été longue, lorsque les doses ont été élevées, et s’il y a déjà eu auparavant un syndrome de sevrage.
Éviter et traiter le syndrome de sevrage
Pour éviter un syndrome de sevrage, il faut d’abord se garder d’arrêter plusieurs médicaments en même temps. Un seul à la fois ! Ensuite, le plus simple et le plus efficace est de diminuer progressivement la dose quotidienne. Idéalement, on diminue la dose de 10 %, on attend une à quatre semaines, on diminue à nouveau de 10 %, on attend à nouveau une à quatre semaine, et ainsi de suite. A priori, ces mesures préventives sont valables pour tous les antidépresseurs, y compris le millepertuis : ce n'est pas parce que c'est une plante qu'il ne pourrait pas provoquer de syndrome de sevrage.
En cas d’apparition de symptômes faibles ou modérés, on cesse la diminution en attendant la disparition des symptômes. Si les symptômes sont sévères, on remonte la dose quotidienne de 10 %, on attend leur disparition, on attend encore quelque temps, et on reprend la diminution, mais plus lentement.
Dans certains cas il est nécessaire d’utiliser le médicament sous forme buvable pour arriver à adapter les doses. Ce n’est pas toujours facile, et il faut avoir des connaissances. Par exemple, le citalopram est mieux absorbé sous forme buvable, de sorte que passer des comprimés à la forme buvable en gardant le même nombre de milligrammes revient à augmenter la dose de 25 % !
La diminution est parfois plus difficile à réaliser lorsqu’il n’existe pas de forme buvable. Si le médicament est éliminé sur plusieurs jours (et seulement dans ce cas) on peut parfois prendre une dose deux jours sur trois ou un jour sur deux. Si le médicament se présente sous forme de comprimés, on peut parfois utiliser la méthode de la lime à ongles. On achète une lime à ongles en métal neuve. On donne d’abord un coup de lime à ongle sur le comprimé avant de l'avaler, et après quelques jours deux coups de lime à ongle, et après encore quelques jours trois coups de lime à ongle, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on n’avale plus qu’un petit bout de comprimé qu’on peut facilement arrêter.
Attention aux anti-épileptiques et anti-coagulants
Certains médicaments sont éliminés par le foie, qui utilise des enzymes pour les détruire. Si on diminue la dose de l’antidépresseur, cela peut permettre au foie de détruire plus vite d’autres médicaments, comme des anti-épileptiques ou des traitements anticoagulants… qui peuvent se retrouver en sous-dosage. En période de sevrage des antidépresseurs, il faut donc faire des analyses sanguines pour contrôler ces traitements.
En résumé
Il est important de prendre des précautions à l'avance pour éviter les syndromes de sevrage : un traitement à dose raisonnable pendant une durée raisonnable, puis une diminution progressive, et non un arrêt brutal. Si des symptômes surviennent à l'arrêt ou à la diminution d'un antidépresseur, bien faire la différence entre un syndrome de sevrage et une rechute dépressive, et agir en conséquence.
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a- Les médicaments antidépresseurs ne doivent pas être confondus avec les anxiolytiques ou les neuroleptiques. Les antidépresseurs commercialisés en France début 2024 sont classés en plusieurs familles :
- des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS) : citalopram (Séropram° et autres), escitalopram (Séroplex° et autres), fluoxétine (Prozac° et autres), fluvoxamine (Floxyfral°), paroxétine (Déroxat°, Divarius° et autres), sertraline (Zoloft° et autres) et vortioxétine (Brintellix°)
- des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) : duloxétine (Cymbalta° et autres), milnacipran (Ixel° et autres) et venlafaxine (Effexor° et autres)
- des antidépresseurs dits imipraminiques ou tricycliques (ATC) : amityriptyline (Laroxyl° et autre), amoxapine (Défanyl°), clomipramine (Anafranil° et autres), dulosépine (Prothiaden°), doxépine (Quitaxon°), imipramine (Tofranil°), maprotiline (Ludiomil°), trimipramine (Surmontil°)
- des antidépresseurs dits inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) : iproniazide (Marsilid°), moclobémide (Moclamide°)
- des antidépresseurs divers : agomélatine (Valdoxan°), eskétamine (Spravato°), miansérine (Miansérine°), mirtazapine (Norset° et autres) et tianeptine (Stablon°)
- une plante : le millepertuis.
À noter qu’en 2024, la rédaction Prescrire déconseille l’utilisation des antidépresseurs suivants, soit parce que leur efficacité démontrée n’est pas supérieure à celle d'un placebo, soit en raison de leurs effets indésirables graves :
- agomélatine (Valdoxan° et autres),
- citalopram (Seropram° ou autre) et escitalopram(Seroplex° ou autre),
- duloxétine (Cymbalta° ou autre),
- milnacipran (Milnacipran Arrow° ou autre),
- venlafaxine (Effexor LP° ou autre),
- eskétamine en pulvérisations nasales (Spravato°)
- tianeptine(Stablon° ou autre).
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Lire aussi :
- La faible efficacité des antidépresseurs
- L’activité physique efficace contre la dépression
- Traitements psychiatriques chez l’enfant : la grande misère
- Comparer les médicaments : pas n’importe comment
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Sources :
- Prescrire Rédaction “Arrêt d’un antidépresseur – Planifier une diminution progressive des doses" Rev Prescrire 2021 ; 41 (450) : 288-290. "Patients déprimés" In "Interactions médicamenteuses"– Janvier 2024 ; "Psychiatrie et dépendances – Médicaments de la dépression" In "Pour mieux soigner, des médicaments à écarter : bilan 2024" Rev Prescrire 2023 ; 43 (482) : 934-945
- Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique (CBIP) “Arrêt progressif des antidépresseurs : lignes directrices (mise à jour 2024)” Folia Therapeutica janvier 2024 (16 pages).
- Koninklijke Nederlandse Maatschappij ter Bevordering der Pharmacie (KNMP), MIND Landelijk Platform Psychische Gezondheid, Nederlands Huisartsen Genootschap (NHG) et Nederlandse Vereniging voor Psychiatrie (NVvP) “Multidisciplinair document ‘Afbouwen Overige Antidepressiva’ (anders dan SSRI’s en SNRI’s)”, Mai 2023 (20 pages) et “Multidisciplinair document ‘Afbouwen SSRI’s & SNRI’s”, sept 2018, révisé à la mi-2019 (14 pages). (ne lisant pas le néerlandais, j’ai utilisé le traducteur internet gratuit DeepP.com)
Crédits photo :
- Image n°1 – "L'épanouissement grâce aux antidépresseurs" par Cochiand Alexia sur Flickr (recadré)
- Image n°2 – "Partnership for a drug-free America" par DES Daughter sur Flickr (traduit, adapté et recadré)