Irradiée à droite au lieu de la gauche : pas grave ? Erreurs en radiothérapie

Par le 1 mai 2024, actualisé le 01 Mai 24.

L’autorité de sûreté nucléaire recense les erreurs en radiothérapie qui lui sont déclarées. Les suites des erreurs doivent conduire à améliorer la sécurité. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Réfléchir sur les erreurs pour les éviter 

Toute activité humaine comporte des erreurs. La médecine comme les autres. Et en médecine, la radiothérapie (traitement par les rayons ionisants) comme les autres activités. Les erreurs en radiothérapie doivent normalement être déclarées auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L’ASN les publie et pousse les établissements où ils ont eu lieu à mettre en place des méthodes pour éviter que les erreurs se reproduisent. Il serait évidemment préférable que des méthodes de prévention des erreurs soient mises en place avant toute anomalie, comme c’est le cas dans les services de chirurgie.

Radiothérapie : des erreurs en augmentation

En mars et avril 2024, l’ASN a publié deux cas d’erreurs « de côté » en radiothérapie. Dans les deux cas, il y a eu une erreur droite-gauche et c’est un sein indemne de cancer qui a été irradié. Dans un cas, l’erreur a été détectée au bout de 8 séances sur les 25 prévues, en raison de l’apparition d’effets indésirables « du mauvais côté ». Dans l’autre cas, la totalité des 20 séances prévues a été effectuée, et l’erreur n’a été détectée qu’ensuite.
Au total, de 2007 à avril 2024, l’ASN a publié 108 cas d’erreurs de divers types : erreurs de côté, mais aussi erreurs de dose, erreurs de calibration du système (conduisant à mal positionner les patients), irradiation sur une vertèbre saine au lieu de la vertèbre malade, etc. Et le nombre d’erreurs signalées semble en augmentation. Parmi les causes probables de cette évolution : une accélération des procédures (plus de patients traités en moins de temps) et une augmentation du nombre des intervenants (plus de soignants pour chaque patient). 

Bonnes et mauvaises réactions aux erreurs

Lorsqu’une erreur est détectée, les bonnes réactions consistent à avertir loyalement la personne concernée en l’informant des conséquences possibles, et en mettant en place un plan de surveillance. Dans le cas des erreurs de radiothérapie, il faut aussi avertir l’ASN et mettre en place une étude pour déceler les causes de l’erreur et les éliminer.
Les mauvaises réactions sont de dissimuler les erreurs et de ne rien faire pour les étudier et les corriger. Ainsi, il est recommandé de ne pas sanctionner les manipulateurs qui ont contribué à l’erreur, car cela les conduirait à dissimuler les erreurs au lieu de les déclarer.

Les erreurs de côté (inversion droite-gauche) sont bien décrites.
Il existe des procédures pour les éviter.
En particulier on peut utiliser une check-liste comportant la vérification du bon côté par plusieurs personnes différentes et une question posée au patient :
« est-ce le bon côté » avant le début de chaque procédure. 

Comment éviter les erreurs

Dans le cas de la dernière erreur de côté signalée, le radiothérapeute interrogé par les journalistes commence par expliquer que « c’est assez incompréhensible ». Au contraire, il est essentiel de comprendre ! En réalité, l’erreur est venue d’une consultation où le mot « droit » a été écrit au lieu du mot « gauche ». En soi, cela peut arriver à tout le monde. Le problème est qu’il existe des procédures pour corriger une telle erreur et qu'elles n'ont pas été utilisées.
Les chirurgiens connaissent bien cette question et ont élaboré des méthodes pour les éviter. En particulier : plusieurs personnes différentes devraient contrôler le côté. Là, il y avait une cicatrice d’intervention sur le sein gauche, et pas sur le sein droit : cela aurait dû attirer l’attention. Il est également recommandé de demander à la personne concernée de dire si le côté qu’on s’apprête à traiter est bien le côté malade. Or non seulement la demande n’a pas été faite, mais lorsque la patiente a signalé l’erreur, les soignants n’en ont pas tenu compte. 

Quelques réactions inacceptables

Certaines réactions des responsables publiées dans la presse sont inacceptables. La personne interrogée déclare tout de suite « On considère qu’il n’y aura pas de séquelle. » Et elle insiste sur « quelques rougeurs (...) qui se sont résorbées » et un simple « traumatisme psychologique ». Or il est bien connu qu’irradier un sein n’est pas un acte sans danger.
L’institut national du cancer français (INCa) fait une liste d’effets indésirables immédiats (rougeur, oedème du sein, douleur en avalant, fatigue). Mais il mentionne aussi des effets indésirables à distance, dont certains (rares) sont parfois graves : douleur, lymphœdème du bras, changement de taille ou de forme du sein, troubles pulmonaires, troubles cardiaques, raideur de l’épaule, survenue d’un second cancer. On voit mal comment le radiothérapeute peut deviner qu’aucun de ces effets indésirables n’aura lieu. Et d’autant moins que le sein gauche va être traité, ce qui conduit nécessairement à augmenter la dose totale de rayons administrée et donc à augmenter le risque.
On aurait préféré que le radiothérapeute indique quelles mesures seront prises pour surveiller attentivement la personne… 

En résumé
Si on veut diminuer les erreurs médicales, il est certes important de ne pas en faire des délits ou des crimes : sinon personne ne les signalera, et on ne pourra pas établir de plan pour les combattre. Mais il est tout aussi important de les reconnaître, d’en chercher les causes, et d’en reconnaître les conséquences pour les patient(e)s. 

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Lire aussi :
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– Incertitude 
Le Dr Knock a 100 ans, et il est bien vivant !
- Cancer Rose "Irradiée du mauvais côté ? Pas grave..." 30 avril 2024 

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Sources : 
- Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (site internet www.asn.fr) "Erreur de côté lors d’un traitement en radiothérapie externe à l’Institut de Cancérologie de Bourgogne (ICB) à Dijon" (10 avril 2024), "Erreur de côté lors d’un traitement en radiothérapie externe  au Centre de cancérologie du Grand Montpellier (CCGM)" (23 avril 2024), "Erreur de côté lors d’un traitement en radiothérapie externe  au Centre hospitalier Fleyriat de Bourg-en-Bresse" (08 mars 2024), "Avis d’incident affectant un patient en radiothérapie" (téléchargé le 29 avril 2024). 
- Guyenne L "Erreur médicale à Dijon : une patiente atteinte d'un cancer reçoit 20 séances de radiothérapie... sur le mauvais sein" et "Entretien. Erreur médicale à Dijon : comment l'institut de cancérologie a-t-il pu se tromper de sein en soignant une patiente ?" Site https://france3-regions.francetvinfo.fr/, 24 avril 2024.
- France Assos Santé (La voix des usagers) "Comment arrivent et comment prévenir les erreurs de côté en chirurgie ?" Site www.france-assos-sante.org, 26 nov. 2021
- ASN, SFRO, SFPM, AFPPE "Les erreurs de côtéLa sécurité du patient, n°6, mai 2014, 8 pages.- ASN, SFRO "Échelle ASN-SFRO pour la prise en compte des événements de radioprotection affectant des patients dans le cadre d'une procédure de radiothérapie" - juin 2023.
- INCa "Cancer du sein : radiothérapie, effets secondaires" Site e-cancer.fr, non daté, téléchargé le 01 mai 2024. 

Crédits photo : 
- Image 01 : "Radiotherapy Prescan" par Gerry Lauzon sur Flickr (recadré) 
- Image 02 : "Till the End of the Tunnel" par Alvaro sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Irradiée à droite au lieu de la gauche : pas grave ? Erreurs en radiothérapie" ; 01 Mai 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-actualites/irradiee-a-droite-au-lieu-de-la-gauche-pas-grave-erreurs-en-radiotherapie/)
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