Isomères : de vrais-faux nouveaux médicaments

Par le 13 mai 2023, actualisé le 13 Mai 23.

Les isomères* sont des molécules chimiques composées des mêmes atomes disposés de la même manière avec les mêmes liaisons. Elles ne sont pourtant pas identiques. Leur disposition dans l'espace n'est pas la même : comme les deux mains droite et gauche, ou comme deux images symétriques dans un miroir.
La commercialisation des isomères d'une même substance, sous des noms différents, n'est en général qu'une astuce marketing, sans aucun intérêt pour mieux soigner.

Les médicaments agissent généralement en se fixant à des cellules sur des récepteurs qui correspondent à leur configuration dans l'espace. Il arrive donc que les deux isomères d'une même molécule n'aient pas la même action. De la même manière, seule votre main gauche (et pas la droite) peut entrer dans un gant gauche.

Les isomères sont utiles dans quelques (rares) cas

Il est parfois intéressant d'utiliser un médicament contenant un seul des deux isomères d'une même molécule :
- si l'un est efficace alors que l'autre provoque des effets indésirables
- si les deux ont des propriétés utiles, mais différentes.
Par exemple, seule la lévodopa se transforme en dopamine dans le cerveau, ce qui la rend utile dans la maladie de Parkinson. Son isomère provoque surtout des effets indésirables.
Autre cas : seule la L-thyroxine est une hormone thyroïdienne efficace. La D-thyroxine est surtout toxique pour le cœur.
Encore un exemple : le dextropropoxyphène a des propriétés antidouleur, tandis que le lévopropoxyphène est surtour un antitussif.

Les molécules isomères sont formées des mêmes atomes
disposés de la même manière avec les mêmes liaisons.
Mais leur disposition dans l'espace n'est pas la même :
comme les deux mains droite et gauche,
ou comme deux images symétriques dans un miroir.

Beaucoup d'isomères n'ont pas d'intérêt thérapeutique

L'oméprazole est un inhibiteur de la pompe à proton, utilisé dans le traitement des ulcères d'estomac et des inflammations de l'œsophage. Il contient un isomère R et un isomère S. Les effets de l'isomère S, ou ésoméprazole, commercialisé 20 ans plus tard, sont presque identiques.
Le citalopram est un psychotrope utilisé dans les dépressions et le trouble panique. L'escitalopram, commercialisé 10 ans plus tard, ne présente aucun avantage : il n'est ni plus efficace, ni moins dangereux. Tous deux peuvent provoquer des troubles cardiaques et de morts subites, et pour la revue Prescrire, mieux vaut ne pas les utiliser.
Fin 2022, l'eszopiclone a obtenu une autorisation de mise sur le marché en France. C'est un des isomère de la zopiclone, un analogue des benzodiazépines (autrement dit un tranquillisant) utilisé comme somnifère. En les comparant, on se rend compte que le nouveau venu ne présente aucun avantage démontré, ni pour l'efficacité, ni pour les effets indésirables (notamment le risque d'accoutumance et de toxicomanie), ni pour les interactions avec d'autres médicaments.
On pourrait multiplier les exemples : la cétirizine (un anti-histaminique) et la lévocétirizine, le folinate de calcium et son isomère le lévofolinate, l'ofloxacine (un antibiotique) et la lévofloxacine

Un intérêt souvent purement commercial

Alors pourquoi les firmes pharmaceutiques se fatiguent-elles à commercialiser des isomères de molécules qui sont déjà sur le marché ? Au moment où le premier médicament commence à avoir des copies (ou génériques), c'est l'occasion d'obtenir des brevets et une protection pour l'isomère. Si votre service marketing parvient à faire croire que le nouveau médicament est une innovation intéressante, alors la firme peut obtenir des parts de marché et gonfler ses bénéfices. Sans que les patients en tirent le moindre avantage…

(*) Un vocabulaire compliqué : on parle parfois d'isomères, parfois d'énantiomères, parfois des formes R et S d'une même molécule ou encore de leurs formes dextrogyre (qui dévie la lumière vers la droite) et lévogyre (qui dévie la lumière vers la gauche. On parle encore de racémique pour désigner un mélange à parts égales des deux énantiomères d'une mème molécule.

Lire aussi :


Sources :
1- "Énantiomérie" (4 pages), mis à jour le 18 décembre 2022 et "Isomérie" (7 pages) mis à jour le 21 avril 2023, Wikipédia, l’encyclopédie libre.
fr.wikipedia.org
2- "La stéréoisomérie : énantiomères, chiralité, conformation" (4 pages) non daté, consulté le 12 mai 2023, Lachimie.fr
3- Prescrire rédaction "Commercialisation des isomères : un miroir aux alouettes" Rev Prescrire 2008 ; 28 (285) : 386-387 ; "Énantiomères" Rev Prescrire 2023 ; 43 (471) : 6.
4- Prescrire rédaction "Ésoméprazole (Inexium°). Un isomére de l'oméprazole, sans progrès thérapeutique" Rev Prescrire 2002 ; 22 (227) : 248-250 ; "Escitalopram (Seroplex°). Un isomére du citalopram, sans aucun avantage thérapeutique" Rev Prescrire 2004 ; 24 (250) : 325-327 ; "Citalopram ou escitalopram : morts subites" Rev Prescrire 2022 ; 42 (468) : 747 ; "Eszopiclone (Noxiben°) et insomnies" Rev Prescrire 2023 ; 43 (471) : 6-7.

Crédit photo :
- Image 1 - "Monument to Paul Walden" par Anita Gould sur Flickr
- Image 2 - "Enantiomers" et "Sign langage" par Johniac sur Flickr, montage J Doubovetzky


Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Isomères : de vrais-faux nouveaux médicaments" ; 13 Mai 2023 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/isomeres-de-vrais-faux-nouveaux-medicaments/)
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