Pros : Prescrire, octobre 2023 : médicaments utiles et inutiles

Par le 26 décembre 2023, actualisé le 26 Déc 23.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro d’octobre 2023.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro d’octobre 2023 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °.
Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en octobre 2023

Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en octobre 2023

Apporte quelque chose : Aucun - apport limité

Rien en octobre 2023

Éventuellement utile : 1 - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- olaparib (Lynparza°) adjuvant dans certains cancers du sein avec mutation BRCA. Après chirurgie et chimiothérapie, en cas de risque élevé de récidive, l’olaparib semble augmenter les chances de survie par rapport à un placebo, malgré ses effets indésirables fréquents (vomissements, anémies, etc.)

N'apporte rien de nouveau : 7- substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- extrait d’écorce de bouleau en gel cutané (Filsuvez°) contre les épidermolyses bulleuses. Il s’agit d’un ensemble de maladies génétiques qui provoquent des décollements de la peau et des plaies multiples. On ne sait pas les guérir. Un petit essai comparatif possiblement biaisé ne permet pas d’affirmer l'efficacité de l'extrait d'écorce de bouleau, qui peut provoquer des complications.
- sufentanil sublingual (Dzuveo°) dans les douleurs aiguës. Cette forme de fentanyl a été comparée au placebo, mais pas à la morphine injectable, dans les douleurs sévères après chirurgie : encore une commercialisation fondée sur un essai non éthique ! Honte à la firme pharmaceutique, aux chercheurs et à l'agence du médicament.
- brolucizumab (Beovu°) dans l’œdème maculaire diabétiques des yeux. Dans deux essais, il n’a pas fait mieux que l’aflibercept, mais il provoque plus d’effets indésirables sur les yeux.
- pembrolizumab (Keytruda°) en 2e ligne ou plus dans certains cancers. Il s’agit de divers cancers (endomètre, estomac, intestin grêle, voies biliaires) avec des anomalies de réparation de l’ADN. Le pembrolizumab n’a été testé que dans des essais non comparatifs, qui ne permettent pas d’affirmer qu’il représente un progrès.
- ambrisentan (Volibris°) dans l’hypertension artérielle pulmonaire dès 8 ans. Dans cette maladie rare, l’ambrisentan n’a pas été comparé au bosentan (Tracleer° et autres), si bien qu’on ne peut pas affirmer qu’il est plus efficace.
- asciminib (Scemblix°) dans certaines leucémies myéloïdes chroniques. Dans cette maladie, lorsqu’il existe un chromosome dit « Philadelphie », le médicament de référence est l’imatinib. En cas d’échec, un essai non aveugle et possiblement biaisé ne permet pas d’affirmer que l’asciminib fait mieux que le bosutinib.
- avalglucosidase alfa (Nexviadyme°) dans la maladie de Pompe. Dans cette maladie génétique rare, aucun progrès démontré avec l’avalglucosidase alfa par rapport à l’alglucosidase alpha, dont elle est chimiquement très proche.


Cela vaut-il la peine de risquer des accidents allergiques graves,
comme un choc anaphylactique, possiblement mortel,
pour lutter contre la calvitie (chute de cheveux) ?

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Pas d'accord : 0 - Aucun

Rien en octobre 2023

La rédaction ne peut se prononcer : 1

- éladocagène exuparvovec (Upstaza°) dans le déficit en décarboxylase de l’acide L-aminé aromatique. Cette maladie génétique rare provoque un retard psychomoteur le plus souvent sévère. L’éladocagène exuparvovec a été essayé chez 21 enfants ayant une atteinte grave. Il a permis aux malades de maintenir leur tête, de garder la station assise ou debout, mais pas la marche, au prix de divers effets indésirables. Attendons d’en savoir plus.

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Mauvaises nouvelles : 2

- finastéride (Zonegran°) toujours en vente contre la chute de cheveux. Cela vaut-il la peine de risquer des effets indésirables gênants (troubles de l’érection et de l’éjaculation, baisse de la libido) ou graves (dépressions, idées suicidaires, cancers du sein) pour traiter une alopécie (chute de cheveux) ? Mieux vaut se contenter de minoxidil (Alostil°), d’efficacité modeste, mais moins dangereux. Dommage que dans cette situation, l’agence du médicament ce soit contentée de demander au fabriquant de mettre un « QR code » pour conduire à quelques information sur certains effets indésirables (même pas tous !)
- Maintien du méthocarbamol (Lumirelax°) comme « myorelaxant ». Son efficacité sur les contractures musculaires est mal établie, et il peut provoquer des réactions allergiques graves, allant jusqu’au choc anaphylactique. Dommage que l’agence du médicament ait seulement restreint son utilisation au lieu de le retirer du marché.

Bonnes nouvelles : 1

- olaparib (Lynparza°) en traitement de longue durée dans certains cancers avancés. En 2020, la rédaction Prescrire n’avait pu se prononcer sur l’intérêt de l’olaparib dans des cancers de l’ovaire avec mutation du gène BRCA en rémission après une première chimiothérapie par sel de platine. On peut maintenant affirmer que ce médicament a retardé de plusieurs années la nécessité d’introduire un nouveau traitement antitumoral. Avec probablement un allongement de la durée de vie de plusieurs mois.

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.

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Lire aussi :

- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023

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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2023 ; 43 (480) : 725-746.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.

Crédits photo :
Image n°1 : "Prescrire n°480" par Jean Doubovetzky (tous droits réservés)
Image n°2 : "Retired and loving it" par Neil Moralee sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, octobre 2023 : médicaments utiles et inutiles" ; 26 Déc 2023 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-octobre-2023-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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