Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de septembre 2024.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de septembre 2024 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments". Les prix indiqués proviennent de Prescrire ou du dictionnaire Vidal et sont arrondis à l’euro le plus proche. Le prix n’est généralement pas connu pour les médicaments réservés à l’hôpital ou non remboursables.
Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en septembre 2024
Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, avec certaines limites
Rien en septembre 2024
Apporte quelque chose : Aucun - apport limité
Rien en septembre 2024
Éventuellement utile : 1 - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- Lidocaïne en gel intra-utérin (Lidbree°) pour anesthésie locale du col de l’utérus. Ce gel peut être utile, par exemple, lors de la pose d’un dispositif intra-utérin (DIU ou « stérilet ») ou des gestes de petite chirurgie : conisation, c’est à dire ablation, partielle du col de l’utérus, biopsie, etc. Il existait déjà des possibilités (crème à la lidocaïne, injection locale) mais ce gel est vraiment adapté à l’utilisation intra-utérine, ce qui est un avantage (non remboursé sécurité sociale).
N'apporte rien de nouveau : 3
- deux vaccins anti-virus respiratoire syncitial (Arexvy° et Abrysvo°) en prévention des infections par VRS à 60 ans et plus. Le VRS est responsable de bronchiolites des nourrissons, mais aussi d’infections ressemblant à la grippe chez les adultes et personnes âgées. Le vaccin RSVPreF3/AS01 et le vaccin RSVPreF ont diminué le nombre d’infections, mais il n’est pas démontré qu’ils ont diminué les formes graves (imposant une hospitalisation), alors qu’ils semblent provoquer des troubles immunitaires et des troubles du rythme cardiaque (fibrillations auriculaires). (Non remboursables - 167,68 € HT – prix d’achat par le pharmacien pour Arexvy° et 196,10 € pour Abrysvo°).
- élacestrant (Orserdu°) dans certains cancers du sein avancés (avec mutation ESR1, inopérables ou métastasés, après échec d’au moins un autre traitement). Ce traitement hormonal n’a pas allongé la durée de vie observée, par comparaison avec un autre traitement hormonal, alors qu’il provoque plus de troubles digestifs (prescription réservée aux cancérologues en hôpital).
Pas d’accord : 2
- valoctovogène roxaparvovec (Roctavian°) dans l’hémophilie A . Ce médicament est une thérapie génique : un ADN porté par un virus incapable de se multiplier. Il a été autorisé sur la base d’un essai non comparatif sur 134 adultes. Et ses effets indésirables sont mal connus : atteinte du foie, risque de thrombose et de cancer ? Pour le moment, préférons l’émicizumab. (Réservé aux hôpitaux), prix inconnu)
- cipaglucosidase alfa (Pombiliti°) + miglustat (Opfolda°) dans la maladie de Pompe « tardive ». Il s’agit d’une maladie génétique rare due à un déficit en une enzyme. Le médicament est une forme de cette enzyme. Mais elle ,ne semble pas plus efficace que les autres enzymes disponible, est plus contraignante à utiliser et semble provoquer plus d’effets indésirables (non remboursé sécurité sociale).
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La rédaction ne peut se prononcer : 1
- étranacogène dézaparvovec (Hemgenix°) dans l’hémophilie B. Dans un essai non comparatif sur quelques cas d’hémophilie B sévère, une perfusion de ce médicament a semblé diminuer les hémorragies sur une durée de 2 ans. Mais elle a des effets indésirables graves pouvant nécessiter des traitements de plusieurs mois par la cortisone. Attendons d’en savoir plus (Prescription restreinte aux hématologues hospitaliers, 2,8 millions d’euros la dose, prix maximum).
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Mauvaises nouvelles : 1
Occasions ratées par le Parlement européen. En avril 2024 , le Parlement européen votait une révision de la législation pharmaceutique européenne. Il n’a pas toujours voté au mieux pour les patients. Par exemple, il a refusé l’obligation d’effectuer des essais comparant les nouveaux médicaments aux traitements déjà existant. Au contraire, il a voté une diminution du délai d’évaluation des dossiers des nouveaux médicaments par l’Agence européenne (il passe de 210 jours à 180 jours, ce qui est court pour une bonne évaluation).
Bonnes nouvelles : 1
Avancées votées par le Parlement européen. Les députés ont voté plusieurs avancées pour la santé des populations. Par exemple, les firmes devront communiquer le montant des aides publiques indirectes (crédits d’impôts) et pas seulement des aides directes. Les mêmes personnes ne pourront plus donner des avis scientifiques aux firmes au nom de l’Agence européenne du médicament, puis participer à l’examen des dossiers de médicaments qu’elles auront ainsi aidé à constituer. D’autres améliorations concernent la qualité des notices et des informations sur les médicaments. Les firmes devront constituer des stocks pour les médicaments ayant un intérêt majeur pour la santé publique. Elles pourront être sanctionnées par les États si elles ne respectent pas leurs obligation de faire en sorte que les médicaments soient réellement disponibles.
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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
- Médicaments à ne pas utiliser : 2024
Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2024 ;44 (491) : 645-665.
2-Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.
Crédits photo :
Image n°1 : "Femme aux médicaments" par Jean Doubovetzky sur Create Microsoft.
Image n°2 : "Sherlock Holmes comparant des médicaments" par Jean Doubovetzky sur Designer Microsoft.