Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de février 2024.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité.Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de février 2024 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en février 2024
Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en février 2024
Apporte quelque chose : Aucun - apport limité
Rien en février 2024
Éventuellement utile : 1 - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- corifollitropine alfa (Elonva°) dans l’hypogonadisme hypogonadotrope des adolescents masculins. Dans cette insuffisance de fonctionnement des testicules due à un manque d’hormone FSH et LH, qui retarde la puberté, il n’est pas démontré que cette FSH particulière donne de meilleurs résultats que les autres. Mais elle ne nécessite qu’une injection toutes les deux semaines, au lieu de plusieurs par semaine.
N'apporte rien de nouveau : 2 - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- faricimab (Vabysmo°) dans la DMLA ou dans l’œdème maculaire diabétique. Ces atteintes de l’œil aboutissent parfois à une diminution grave de la vision. Dans les essais comparatifs, le faricimab n’a pas fait mieux que l’aflibercept pour améliorer l’acuité visuelle ou pour diminuer le nombre d’injections intra-oculaires nécessaires au traitement. Et ses effets indésirables à long termes sont mal connus.
- bictégravir + emtricitabine + ténofovir alafénamide (Biktarvy°) dans le VIH dès l’âge de 2 ans. Chez les enfants atteints par le VIH, cette trithérapie à doses fixes a été autorisée par extrapolation des données chez les adultes. Rien ne montre qu’elle représente un progrès par rapport à d’autres associations antivirales.
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Pas d'accord : 1
- fupadacitinib (Rinvoq°) et tofacitinib (Xeljanz°) dans la spondyloarthrite axiale dite non radiographique. Dans cette maladie inflammatoire rhumatismale, lorsque les anti-inflammatoires ne suffisent pas, le premier traitement est un anti-TNF alfa (1). Aucun des deux janus-kinases présentées ici n’a fait l’objet d’un essai comparatif randomisé avec un anti-TNF alpha. Alors qu’ils entraînent un sur-risque de maladie cardio-vasculaire et de cancers.
La rédaction ne peut se prononcer : 1
- dupilumab (Dupixent°) dans l’exéma atopique sévère à partir de 6 mois. Dans un petit essai sur 162 enfants, le dupilumab a fait un peu mieux que le placebo chez environ un enfant sur 10. Mais ses effets indésirables sont mal connus. Attendons d’en savoir plus.
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Mauvaises nouvelles : 0
Rien en février 2024
Bonnes nouvelles : 1
- tramadol (Contramal° et autres) en boite de 10 unités. Le tramadol est un antidouleur dérivé de la morphine. Il en partage les risques : somnolence, constipation, et autres - en particulier addiction. Les boites de 10 sont les bienvenues pour éviter autant que possible un traitement de longue durée aboutissant à une toxicomanie. En France, le tramadol est en effet devenu une source importante de nouveaux addicts.
Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.
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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
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1- Les anti-TNF alpha commercialisés en France début 2024 sont (par ordre alphabétique) l’adalimumab (Amgevita°, Humira° ou autres), le certolizumab (Cimzia°), l’adalimumab (Humira°), l’étanercept (Benepali°, Enbrel° ou autres), le golimumab (Simponi°), l’infliximab (Flixabi°, Inflectra° ou autres).
Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023
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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2024 ; 44 (483) : 5-25.
2-Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.
Crédits photo :
Image n°1 : "Elle avale plein de médicaments" par Jean Doubovetzky sur Canva.com (recadré).
Image n°2 : "Addict" par Fabio Venni sur Flickr (recadré)