Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de février 2023.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de février 2023 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en février 2023
Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en février 2023
Apporte quelque chose : 1 (un) - apport limité
- blinatumomab (Blincyto°) dans certaines leucémies aiguës des enfants.
Dans un essai, lors de rechutes de la maladie, il y a eu moins de morts et moins d'effets indésirables avec le blinatumomab qu'avec une chimiothérapie.
Éventuellement utile : 0 (séro) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
Rien en février 2023
N'apporte rien de nouveau : 7 (sept) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- bilastine (Bilaska°) dans la rhinite / conjonctivite allergique ou urticaire des enfants à partir de l’âge de 6 ans.
Chez l'adulte, la bilastine n'a jusqu'ici pas semblé un progrès. Chez les enfants, elle est commercialisée sans avoir été comparée aux traitements de premier choix : la cétirizine et la loratadine. Et dans un essai d'éthique douteuse contre placebo, elle n'a pas montré d'amélioration de la qualité de vie des enfants. - anifrolumab (Saphnelo°) dans le lupus érythémateux systémique.
Dans cette maladie auto-immune parfois grave, en cas d'échec d'un premier traitement, l'ajout d'anifrolumab n'a pas eu plus d'effet que le placebo dans un essai, et a eu un effet à court terme dans un autre. Ce n'est pas assez pour prendre les risques de ce traitement : injections, allergies graves, et peut-être cancers à long terme. - naldémédinetafasitamab (Minjuvi°) dans certains lymphomes diffus.
Dans certains de ces cancers du sang ayant résisté au traitement ou en rechute, , cette situation (souvent en fin de vie), on ne dispose que de données non comparatives, insuffisantes pour démontrer un progrès. - dabigatran (Pradaxa°) dans les thromboses veineuses des enfants et adolescents.
C'est-à-dire dans la formation de caillots sanguins dans les veines, ce médicament n'a pas été comparé aux traitements connus : warfarine et rivaroxaban. - dégarélix (Firmagon°) dans certains cancers de la prostate ("localisés" ou "localement avancés").
L'essai qui a conduit à son autorisation n'était pas conçu pour démontrer un éventuel progrès. Ce qui est bien regrettable… - sotorasib (Lumykras°) dans certains cancers bronchiques.
On ne dispose que d'un essai non comparatif, ne permettant pas de dire si ce médicament apporte un progrès, alors que ses effets indésirables sont nombreux et parfois graves. - filgotinib (Jyseleka°) dans la rectocolite hémorragique.
Autorisé en cas d'échec d'un autre immunodépresseur. Mais il n'a été comparé qu'au placebo, si bien qu'il n'est pas possible d'affirmer qu'il apporte un progrès.
Pas d'accord : 0 (zéro) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains
Rien en février 2023
La rédaction ne peut se prononcer : 1 (un)
- sélumétinib (Koselugo°) dans certaines neurofibromatoses.
Il s'agit de tumeurs bénignes, mais envahissantes, parfois très volumineuses, et qui peuvent devenir cancéreuses. Dans un essai, les tumeurs ont nettement diminué, mais on ne sait pas si cela a diminué les symptômes et les souffrances des patients.
Mauvaises nouvelles : 1 (une)
- Ibrutinib : risque augmenté de mort subite ou de mort cardiaque.
Il semble en provoquer 5 fois plus que les médicaments auxquels on l'a comparé. Utilisé dans certains cancers du sang, mieux vaut l'éviter chez les personnes qui ont un risque cardiaque élevé en raison de leurs antécédents ou de leur traitement. Et chez les autres, mieux vaut surveiller étroitement le cœur.
Bonnes nouvelles : 1 (une)
- La contraception d'urgence gratuite et sans ordonnance
La "pilule des jours d'après" est efficace jusqu'à 4 jours après un rapport sexuel non protégé (mais il vaut mieux la prendre le lendemain ou le surlendemain). En France, elle est disponible gratuitement et sans ordonnance.en pharmacie pour les toutes les femmes (adultes ou mineures) ayant une assurance maladie. Pour les femmes sans couverture maladie, il est possible de se la procurer gratuitement, sans ordonnance et de manière anonyme dans les centres de santé sexuelle (autrefois appelés centres de planification familiale) et auprès de certaines organisations (Cegidd) ou associations. Les lycéennes et étudiantes peuvent aussi s'en procurer auprès des services de santé scolaire.
Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.
a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Incertitude
- Quatre histoires de placebos ou de nocebos
- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023
- La suggestion en thérapeutique selon Bernheim
Sources :
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2023 ; 43 (472) : 885-903.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 90-105.
Crédits photo :
Image n°1 : Visual Hunt (recadré)
Image n°2 : "Décor de grotesques, château de Galiot de Genouillac, XVIe siècle, Assier, Lot, Occitanie"
par Bernard Blanc sur Flickr (recadré)
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