Pros : Prescrire, mai 2023 : médicaments utiles et inutiles

Par le 19 juillet 2023, actualisé le 30 Oct 23.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de mai 2023.

POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de mai 2023 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en mai 2023

Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en mai 2023

Apporte quelque chose : 2 (deux) - apport limité

• riprétinib (Qinlock°) en 4e ligne dans certaines tumeurs digestives
Dans quelques rares tumeurs digestives dites "stromales" (le plus souvent dans l'estomac ou l'intestin grèle), le riprétinib a allongé la durée médiane de survie de 8 mois chez des malades dont la maladie avait résisté à au moins trois autres chimiothérapies.
• nivolumab (Opdivo°) et certains cancers avancés de l'œsophage
Dans le cas particulier des cancers épidermoïdes avancés de l'œsophage exprimant la protéine PCD-L1, un premier traitement par triple chimiothérapie comprenant du nivolumab a fait passer la durée médiane de survie d'environ 9 à 14 mois. Le bénéfice est moins net en cas de premier échec. Dans les cancers de l'estomac ou de l'œsophage qui n'expriment pas la protéine PCD-L1, l'intérêt du nivolumab est plus incertain.

Éventuellement utile : 1 (un) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

• avacopan (Tavneos°) dans certaines polyangéites
Dans certaines maladies inflammatoires des vaisseaux sanguins avec risque de nécrose (mort tissulaire), un essai clinique semble montrer que l'avacopan permet de diminuer l'utilisation de dérivés de la cortisone pour obtenir une rémission. Mais il expose aux risques des immunodépresseurs et à des maladies du foie.

N'apporte rien de nouveau : 5 (cinq) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

  • daridorexant (Quviviq°) dans les insomnies. Pas de comparaison aux autres somnifères. Un allongement de la durée perçue du sommeil de 10 à 20 minutes par rapport au placebo. Et presque pas de données sur ses effets indésirables (notamment en cas de surdose). Autant s'en passer !
  • paracétamol + ibuprofène en perfusion (Cetafen°) dans les douleurs aiguës modérées. Un seul essai chez moins de 300 patients, pour une indication aussi fréquente ? Et quel résultat ? L'association fait un tout petit peu mieux que le paracétamol seul ou l'ibuprofène seul chez les patients opérés d'un hallux valgus (déformation du gros orteil). Pas certain que cela vaille le risque d'une multiplication des effets indésirables.
  • cémiplimab (Libtavo°) dans certaines tumeurs de la peau. Dans certains carcinomes basocellulaires en rechute, un essai non comparatif a montré une "réponse tumorale" chez certains patients, mais aussi des effets indésirables graves. A quand une évaluation comparative correcte ?
  • évolocumab (Repatha°) dans les hypercholestérolémies familiales à partir de 10 ans. Dans cette situation à haut risque d'accident cardiovasculaire, l'évaluation n'a pas cherché à savoir si l'évolocumab permet ou non une diminution des événements cardiovasculaire ou une diminution de la mortalité. On sait seulement que le traitement diminue le cholestérol : c'est très insuffisant.
  • inébilizumab (Uplizna°) dans la neuromyélite optique. Cette maladie provoque une baisse de l'acuité visuelle et des troubles neurologiques aboutissant souvent à un handicap important. Malheureusement les essais ne disent pas si cet immunosuppresseur est plus efficace ou mieux toléré que les autres...
Le rhume guérit sans traitement, généralement en une semaine, rarement deux. Les vasoconstricteurs "débouchent le nez" mais peuvent provoquer des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des troubles cardiovasculaires parfois mortels, des maladies par manque d'oxygène du gros intestin ou du nerf optique, des troubles psychiques... (réf. 3)
Le maigre bénéfice (parfois) obtenu ne vaut pas les risques encourus !

Pas d'accord : 2 (deux) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains

  • rispéridone en injections mensuelles (Okedi°) dans la schizophrénie. Faute d'une évaluation comparative correcte, on ne sait pas si les injections sont plus, ou moins, ou aussi efficaces que les comprimés. Mais les contraintes et les effets indésirables sont bien présents.
  • védolizumab (Entyvio°) dans la "pochite" de la rectocolite hémorragique. Après chirurgie pour rectocolite hémorragique grave, la "poche" destinée à remplacer le rectum s'infecte parfois. Le seul essai disponible ne permet pas de savoir si le védolizumab fait mieux que les antibiotiques et les dérivés de la cortisone. Autant en rester à ce qu'on connaît. Surtout quand on pense aux effets indésirables des immunosuppresseurs.

La rédaction ne peut se prononcer : 1 (un)

  • idébénone (Raxone°) dans la neuropathie optique de Leber. Dans cette maladie héréditaire rare de l’œil, un suivi de 2 ans suggère une amélioration ou une stabilisation de la vision des patients par comparaison à des "témoins historiques". C'est une donnée bien fragile : il faudrait en savoir plus...

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Mauvaises nouvelles : 2

• Attention à la colchicine ! La colchicine est un anticancéreux qui détruit les cellules en cours de division (un antimitotique). Il est parfois utilisé dans le traitement de la goutte (une inflammation douloureuse de certaines articulations), en dernier recours, lorsque ni les anti-inflammatoires ni les dérivés de la cortisone ne sont efficaces. Une fois de plus, la posologie officielle a été diminuée, en raison des risques élevés de ce traitement. La dose maximum est à présent de 1 mg dans les premières heures de la crise, puis 0,5mg une heure plus tard, puis 0,5mg deux ou trois fois par jour pendant quelques jours. La dose doit être encore diminuée en cas d'atteinte de la fonction du foie et celle du rein (notamment chez les personnes âgées).
NE PAS utiliser de Colchimax° qui referme un anti-diarrhéique, ce qui empêche de se rendre compte qu'on a atteint la dose toxique. On se demande bien pourquoi ce médicament n'est pas encore retiré du marché…

• La pseudoéphédrine est toujours sur le marché, ainsi que les autres vasoconstricteurs nasaux. Ces médicaments, pulvérisés dans le nez, provoquent uen contraction des vaisseaux sanguins (vasoconstriction) qui fait dégonfler la paroi nasale et "débouche le nez". Tout serait bien s'ils ne provoquaient pas parfois des effets indésirables graves, voire dramatiques : accidents vasculaires cérébraux, troubles cardiovasculaires parfois mortels, colites et neuropathies optiques par privation d'oxygène, troubles neuropsychiques (dont des troubles psychotiques et des convulsions). En bref, des risques sérieux qu'il est bien inutile de courir pour traiter un rhume qui guérit généralement en une semaine, parfois deux !
Les médicaments que Prescrire déconseille en France sont : Actifed rhume°, Actifed rhume jour et nuit°, Dolirhume paracétamol et pseudoéphédrine), Dolirhumepro paracétamol pseudoéphédrine et doxylamine°, Humex rhume°, Nurofen rhume°, Rhinadvil rhume° et Rhinadvilcaps rhume°. Elle déconseille aussi la naphtazoline (Derinox°) et l'oxymétazoline (Pernazène°). Tous sont disponibles sans ordonnance.

Bonne nouvelle : 1

• Le Kit Exper'° (trousse de prévention pour usagers de drogues injectables) remplace les Stéribox°.
Le kit renferme des seringues stériles, des doses d'eau stérile, des lingettes antiseptiques, des cupules et des filtres… en bref, tout le nécessaire pour faire des injections propres, avec le moins de risques infectieux possibles.
Ces kits sont disponibles gratuitement dans les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et dans les Les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), ainsi qu'auprès de certaines associations. Elles sont également en vente en pharmacie "au prix maximum conseillé de 1 euro".

Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.

a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.

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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023

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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2023 ; 43 (475) : 325-350.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.
3- Prescrire Rédaction “Rhume" Premiers choix Prescrire, actualisation juin 2021.

Crédits photo :
Image n°1 : "First aid kit with drugs" par UkrMedia sur Flickr (recadré)
Image n°2 : "Cold?" par Allen Foster sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, mai 2023 : médicaments utiles et inutiles" ; 19 Juil 2023 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-actualites/pros-prescrire-mai-2023-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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