Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro d'août 2022.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro d'août 2022 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit par le nom que leur donne l'Organisation Mondiale de la Santé (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et suivi du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en août 2022
Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en août 2022
Apporte quelque chose : 3 (trois) - apport limité
- tocilizumab (Roactemra°) dans les covid-19 graves. Chez des malades hospitalisés, sous oxygène et traitement par la cortisone, le tocilizumab a (un peu) diminué la mortalité. Son effet est mal connu en cas de ventilation artificielle et en l'absence de traitement par la cortisone.
- atidarsagène autotemcel (Libmeldy°) dans la leucodystrophie métachromatique. Dans cette maladie génétique rare, les malades perdent plus ou moins rapidement leurs fonctions motrices et finissent par mourir paralysés, généralement d'une infection. Des données limitées semblent montrer que chez les enfants de moins de 7 ans n'ayant pas de symptômes, ce médicament ralentit l'évolution et diminue la mortalité.
- azacitidine (Onureg°) dans le traitement au long cours de la leucémie myéloïde chronique. Malgré des effets indésirables graves, ce médicament allonge la durée de vie d'environ 10 mois (25 mois de survie au lieu de 15 mois).
Éventuellement utile : 1 (un) -intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- morphine en comprimés orodispersibles (Actiskenan°) dans les douleurs des enfants et certaines personnes âgées. Avec de petites doses (1 mg, 2,5 mg, 5 mg, etc.) elle est plus pratique à utiliser, avec moins de risques d'erreur que les formes en gouttes.
- Cannabidiol (Epidyolex°) dans l'épilepsie liée à la sclérose tubéreuse de Bourneville. Dans cette maladie génétique rare, des tumeurs bénignes se développent et des crises d'épilepsie diverses apparaissent, souvent dès la jeune enfance. Lorsque ces crises persistent malgré un traitement antiépileptique, le cannabidiol est une des options qui permettent de diminuer la fréquence des crises, au prix de nombreux effets indésirables.
N'apporte rien de nouveau : 4 (quatre)- substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- buprénorphine en implants sous-cutanés (Sixmo°) dans la dépendance aux opiacés. Des implants à poser dans le bras au cours d'une petite intervention en milieu hospitalier pour 6 mois de traitement à renouveler une seule fois avant de revenir à la voie sub-linguale : où est le progrès ?
- paracétamol + caféine (Dalféine°) dans les douleurs et la fièvre. La caféine est sans effet sur la fièvre, et son effet sur les douleurs est mal établi. S'il existe, il est faible. Autant éviter les risques d'insomnie, d'anxiété, de dépendance et de sevrage de la caféine.
- béclométasone + formotérol + glycopyrronium (Trimbow°) dans la bronchite chronique obstructive. La béclométasone et le formotérol sont des traitements de référence dans la bronchite chronique. Mais le glycopyrronium n'a pas d'avantage sur le tiotropium, qui est le traitement associé de premier choix.
- bérotralstat (Orladeyo°) dans la prévention des crises d'angiœdème héréditaire. Cette maladie génétique rare provoque des crises d'œdèmes divers qui peuvent étouffer (larynx), provoquer des douleurs (abdomen), etc. Dans un petit essai chez 121 malades, le bérotralstat a semblé plus efficace qu'un placebo pour diminuer la fréquence des crises. Mais il n'a pas été comparé aux autres traitements efficaces qui existent.
Pas d'accord : 2 (deux) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains
- teinture d'opium (Dropizal°) dans les diarrhées sévères. Retour au XIXe siècle avec cet extrait de plante contenant de multiples molécules (donc avec de multiples risques) à l'efficacité non démontrée dans les diarrhées. Il existe bien mieux ! Encore heureux que ce médicament ne soit pas remboursable par l'assurance maladie.
- pémigatinib (Pemazyre°) dans certains cholangiocarcinomes. Dans certains cas de ce cancer rare des voies biliaires, après un échec de traitement, un essai non comparatif sur une centaine de patients ne permet pas d'affirmer que ce médicament est efficace. Et vu ses nombreux effets indésirables graves, il aurait mieux valu en savoir plus avant de l'autoriser.
La rédaction ne peut se prononcer : 0 (zéro)
Rien en août 2022
Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.
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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Incertitude
- Quatre histoires de placebos ou de nocebos
- Des médicaments à ne pas utiliser
Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2022 ; 42(466) : 565-583.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40(442) : 621-624.
Crédits photo :
- Image n°1 : "Pills-tablets" par adamci sur Freeimages
- Image n°2 : "Bonhomme blanc 3d pilules" par Photos gratuites libres de droits sur Photomelia