Pros : Prescrire, avril 2022 : médicaments utiles et inutiles

Par le 12 juin 2022, actualisé le 12 Juin 22.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro d'avril 2022.

POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de avril 2022 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en avril 2022

Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en avril 2022

Apporte quelque chose : 3 (trois) - apport limité

- nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid°) dans certains cas de covid-19. Dans un essai comparatif randomisé, chez des patients non vaccinés contre la covid, infectés depuis moins de 5 jours et ayant un ou plusieurs facteurs de gravité (obésité, hypertension artérielle, etc.), cette association de deux antiviraux a diminué le risque d'hospitalisation (0,8% au lieu de 6%). Elle pourrait peut-être diminuer la mortalité.

- sotrovimab (Xevudy°) dans certains cas de covid-19. Dans un essai comparatif randomisé, chez des patients non vaccinés contre la covid, infectés depuis moins de 5 jours et ayant un seul facteur de gravité (obésité, hypertension artérielle, etc.), cet anticorps injectable par perfusion a diminué le risque d'hospitalisation.

En l'absence de comparaison directe entre les deux traitements (2 antiviraux à avaler à domicile ou une perfusion d'anticorps à l'hôpital), on pourrait choisir en fonction du risque d'effets indésirables ou d'interaction médicamenteuse, ou sur des questions pratiques.

- tucatinib (Tukysa°) dans certains cancers du sein. Dans des cas particuliers (cancer du sein HER-2 positif, après échec de plusieurs médicaments anti-HER-2, l'ajout de ce médicament à l'association trastuzumab + capécitabine a fait passer la durée de vie de 19 mois à 25 mois environ (+ 6 mois). Malgré des effets indésirables graves, notamment des diarrhées parfois mortelles.

Éventuellement utile : 2 (deux) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- vaccin NVX-CoV2373 (Nuvaxovid°) en prévention de la Covid 19. Ce vaccin covid de Novavax renferme des protéines provenant de cultures de cellules d'insectes infectées par un virus Sars-Cov-2 génétiquement modifié. Il diminue le risque de Covid-19 avec symptômes et probablement le risque de Covid grave, mais on ne connaît pas son efficacité sur le variant Omicron.

- rivaroxaban (Xarelto°) et caillots sanguins dans les veines (thromboses veineuses) chez les enfants et adolescents. Dans les rares cas de thrombose veineuse chez des enfants de 2 ans ou plus, on ignore si cet anticoagulant par voie orale est aussi efficace que les héparines injectables suivies (ou pas) d'un autre anticoagulant (une antivitamine K). Il est donc à réserver aux cas où le patient refuse les injections et les prises de sang qui vont avec.

Plus on prend de médicaments différents,
moins on contrôle leurs effets et leurs interactions.

N'apporte rien de nouveau : 3 (trois) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- indacatérol + glycopyrronium + mométasone (Enerzair Breehaler°) en aérosol ("pompe") dans l'asthme. L'ajout de glycopyrronium (un dérivé de l'atropine) à la mométasone (un dérivé de la cortisone) et à l'indacatérol (un simulant bêta) diminue un peu le risque de crise d'asthme. Mais il n'y a pas eu de comparaison avec d'autres tri-thérapies. On ne sait donc pas s'il fait mieux ou moins bien.

- béclométasone + formotérol + glycopyrronium (Trimbow°) en aérosol ("pompe") dans l'asthme. L'ajout de glycopyrronium (un dérivé de l'atropine) au formotérol (un stimulant bêta) et à la béclométasone (un dérivé de la cortisone) ne semble pas diminuer le risque de crise d'asthme, et ne fait en tout cas pas mieux que le tiotropium.

- tralokinumab (Adtralza°) dans l'eczéma atopique de l'adulte. On parle aussi de dermatite atopique. Lorsque malgré l'utilisation de crèmes émollientes (dites "hydratantes") et de dérivés de la cortisone, les lésions sont pénibles, un immunodépresseur aide parfois. Mais le tralokinumb n'a pas été comparé aux autres : aucune raison de le choisir.

Pas d'accord : 0 (zéro) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains

Rien en avril 2022

La rédaction ne peut se prononcer : 1 (un)

- pegvaliase (Palynziq°) dans la phénylcétonurie. Dans cette maladie héréditaire rare, la pegvaliase a fait baisser la phényl-alanine dans le sang, mais on ne sais pas si elle a amélioré la santé des patients. Et ses effets indésirables sont fréquents (chez plus de 75% des personnes traitées) et parfois graves.

Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.

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Lire aussi :

- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Incertitude
- Quatre histoires de placebos ou de nocebos
- Des médicaments à ne pas utiliser

Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2022 ; 42(462) : 245-263.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40(442) : 621-624.

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Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, avril 2022 : médicaments utiles et inutiles" ; 12 Juin 2022 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-avril-2022-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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