Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de mai 2022.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de mai 2022 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en mai 2022
Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en mai 2022
Apporte quelque chose : 0 (zéro) - apport limité
Rien en mai 2022
Éventuellement utile : 4 (quatre) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- ceftazidime + avibactam (Zavicefta°) antibiotique pour enfants et nourrissons. Pas d'évaluation clinique pertinente chez les enfants et nourrissons pour cet antibiotique. En extrapolant les données chez les adultes, il peut être utile dans certains cas d'infection grave à bactérie multirésistante.
- dolutégravir (Tivicay°) 5 mg contre le HIV dès l'âge de 4 semaines. En association avec d'autres antiviraux, cet antiviral représente une alternative (aux effets encore mal connus) chez les nourrissons.
- clopidogrel (Plavix° et autres) + aspirine dans certains accidents vasculaires cérébraux (AVC). En cas d'AVC ou d'accident ischémique transitoire, l'ajout de clopidogrel à l'aspirine pendant 3 ou 4 semaines chez 30 à 60 patients évite environ 1 AVC. Mais il n'a pas d'effet démontré sur la mortalité ou le risque de handicap.
- citrate et bicarbonate de potassium (Sibnayal°) dans certaines acidoses rénales. Dans certaines maladies rares, le rein n'arrive pas à éliminer les acides. On donne alors des traitements alcalinisants (anti-acides). Ceux à base de potassium peuvent être utiles en cas de manque de potassium.
Leurs effets (positifs ou négatifs) sont souvent mal connus
au moment de leur mise sur le marché.
N'apporte rien de nouveau : 4 (quatre) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- tixagévimab + cilgavimab (Evusheld°) pour la prévention de la Covid 19. L'association de ces deux anticorps en injection intramusculaire diminue le risque de maladie Covid dans les six mois qui suivent. Mais on ignore si elle diminue le risque de Covid grave et si elle est active sur le variant Omicron. Mieux vaut ne pas trop y compter.
- anidulafungine (Ecalta°) dans les mycoses des enfants. Ce médicament antifongique (anti-champignon) est destiné au traitement des infections à Candida. Mais rien ne démontre qu'il soit plus efficace ou moins risqué que ceux qui existent déjà.
- nitisinone (Orfadin°) contre l'alcaptonurie des adultes. Dans cette maladie génétique rare, la nitisinone a un effet sur les résultats d'analyses urinaires. Mais diminue-t-elle les symptômes osseux et articulaires ? On ne le sait pas.
- imiquimod crème 3,75% (Zyclara°) contre la kératose actinique. Dans cette maladie, l'exposition répétée au soleil provoque le développement de certaines cellules de la peau qui forment une couche épaisse, s'étendent parfois et peuvent (rarement) aboutir à un cancer de la peau. Par rapport à la crème à 5%, la crème à 3,75% n'apporte aucun avantage, et aboutit même à une augmentation de dose, car elle est recommandée plus souvent et pendant une durée plus longue.
Pas d'accord : 1 (un) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains
- ponésimod (Ponvory°) dans la sclérose en plaques. Il semble aussi efficace que le teriflunomide... Lequel ne fait pas mieux que l'interféron alpha, alors qu'il provoque des effets indésirables graves, qui touchent notamment le cœur et le foie.
La rédaction ne peut se prononcer : 1 (un)
- adalimumab (Humira°) dans la rectocolite hémorragique des enfants. Après un essai chez seulement 60 enfants, aux résultats discutables, cet immunosuppresseur est préconisé à dose élevée chez les enfants de 6 ans malgré une efficacité mal démontrée et des effets indésirables graves. Il faudra en savoir plus pour prescrire ce médicament.
Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.
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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
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Lire aussi : - Les objectifs des traitements et des diagnostics - Traitements : les essais comparatifs sont indispensables - Incertitude - Quatre histoires de placebos ou de nocebos - Des médicaments à ne pas utiliser
Sources :
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2022 ; 42 (463) : 325-38.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.
Crédits photo : n°1 - "Pharmacy" par Analogicus sur Pixabay
n°2 - "Capsules and tablets in a spoon" sur Visual Hunt