Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de mars 2022.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de mars 2022 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en mars 2022
Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en mars 2022
Apporte quelque chose : 0 (zéro) - apport limité
Rien en mars 2022
Éventuellement utile : 1 (un) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- casirivimab + imdévimab (Ronapreve°) comme traitement curatif de la Covid 19 débutante. Ces anticorps injectables, réservés à l'hôpital, se fixent sur le virus pour diminuer sa pénétration dans les cellules du corps. Une perfusion semble diminuer le risque d'hospitalisation chez les personnes non vaccinées avec au moins un facteur de gravité qui sont atteintes par le variant Delta, mais pas par le variant Omicron.
N'apporte rien de nouveau : 4 (quatre) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- monupiravir (Lagevrio°) dans la Covid 19 débutante sans signe de gravité. Dans cette situation, chez des patients atteints depuis moins de 5 jours avec au moins un signe de gravité, un seul essai de fiabilité douteuse ne permet pas d'affirmer l'efficacité du monupiravir.
- filgotinib (Jyseleca°) dans la polyarthrite rhumatoïde. Cet immunodépresseur n'a pas d'avantage démontré par rapport aux traitements classiques (notamment le méthotrexate) avec lesquels il n'y a pas eu d'essai comparatif.
- alirocumab (Praluent°) en stylos préremplis dosés à 300mg. Cet anticorps monoclonal anti-cholestérol à ajouter à un médicament de la famille des statines n'a pas d'efficacité clinique bien établie. Le nouveau dosage n'y change rien.
- amlodipine + irbésartan (Aprexevo°) dans l'hypertension artérielle. En cas de besoin, cette association peut diminuer le nombre de comprimer à avaler, mais elle rend l'adaptation des doses plus difficile.
Pas d'accord : 2 (deux) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains
- protéines d'arachides (Palforzia°) pour la désensibilisation par voie orale. Dans deux essais, les protéines d'arachides ont amélioré un test d'allergie réalisé en hôpital. MAIS à domicile, les réactions allergiques ont été plus fréquentes qu'avec un placebo, et certaines ont imposé une injection d'adrénaline.
- eskétamine (Spravato°) pour la dépression avec risque suicidaire élevé, en plus d'un antidépresseur. Dans cette situation, l'eskétamine a un peu diminué un score de dépression au bout de 24h. Au cours du traitement, les tentatives de suicide n'ont pas diminué et les gestes auto-agressifs ont augmenté. Surtout, dans les semaines suivant le traitement, les pensées suicidaires et les tentatives de suicide ont augmenté.
La rédaction ne peut se prononcer : 2 (deux)
- dapagliflozine (Forxiga°) pour l'insuffisance rénale chronique. Elle a été testée chez des personnes atteintes d'insuffisance rénale chronique, dont les deux tiers étaient diabétiques. Les résultats ne sont guère exploitables, car l'essai a été interrompu prématurément sans que le protocole soit respecté, et une partie des morts semble sans rapport avec l'insuffisance rénale. Et la dapagliflozine provoque de graves effets indésirables.
- fostamatinib (Tavlesse°) dans la thrombopénie immunitaire chronique réfractaire. Dans cette maladie immunitaire rare qui provoque des hémorragies, le fostamatinib semble augmenter le nombre de plaquettes. Mais il n'est pas démontré qu'il diminue les saignements ou qu'il réduit le besoin en transfusions de plaquettes.
Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.
a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Incertitude
- Quatre histoires de placebos ou de nocebos
- Des médicaments à ne pas utiliser
Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2022 ; 42(461) : 167-183.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.
Crédits photo : n°1 - "Gel capsules" par Elias Falla sur sur Pixabay
n°2 - "Three times daily" par Patti sur Free images