Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de mars 2024.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de mars 2024 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en mars 2024
Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en mars 2024
Apporte quelque chose : 2 - apport limité
- darolutamide (Nubeqa°) associé au docétaxel dans certains cancers de la prostate. Dans des cancers de la prostate métastasés sensibles aux hormones, cette association diminue la mortalité : dans un essai, elle est passée de 48 % à 35 % au bout de 3 ans 1/2 de suivi. Malgré quelques effets indésirables graves, le bénéfice est net.
Éventuellement utile : 1 - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- immunoglobulines humaines polyvalentes (Gamunex°) en prévention de la rougeole. Chez les personnes non immunisées à risque de rougeole grave, ces immunoglobulines en perfusion diminuent le risque de maladie. Elles sont utilisées depuis de nombreuses années, et l’autorisation ne fait que prendre en compte cette pratique.
- dolutégravir + abacavir + lamivudine (Triumeq°) dans les infections par le VIH chez les enfants de 14 kg ou plus. Une association qui simplifie le traitement pour les enfants capables d’avaler des comprimés.
le meilleur choix est le paracétamol non associé, à la dose la plus faible efficace, pendant la durée la plus courte possible.
N'apporte rien de nouveau : 4 - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- pitolisant (Wakix°) dans la narcolepsie des enfants de 6 ans et plus. La narcolepsie provoque de la somnolence et des accès brutaux de sommeil pendant la journée. Malheureusement, le pitolisant n’a pas été comparé aux autres médicaments disponibles, si bien que rien ne permet d’affirmer qu’il est plus efficace. Et ses effets indésirables sont parfois redoutables : maux de tête, insomnies, dépressions, idées suicidaires, syndromes de sevrage, hallucinations…
- paracétamol 500mg + ibuprofène 150mg en comprimés (Cetafen°) dans les douleurs légères à modérées. Aucun progrès démontré, mais plus d’effets indésirables qu’avec du paracétamol seul ou de l'ibuprofène seul, bien évidemment… On voit mal l’intérêt.
- carbonate de calcium en gommes à mâcher (Rennaxt°) dans les brûlures d’estomac. Voilà une autorisation de mise sur le marché qui ne repose… sur aucun essai clinique ! Bravo…
- lacosamide (Vimpat°) dans les crises d’épilepsie partielles chez les enfants de 2 à 4 ans. Dans cette situation, le traitement de premier choix est la carbamazépine (Tégrétol°). Que ce soit à la place ou en plus de la carbamazépine, il n’est pas démontré que le lacosamide fasse mieux qu’un placebo. Et il n’est pas sans effet indésirable.
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Pas d’accord : 0
Rien en mars 2024
La rédaction ne peut se prononcer : 2
- spézolimab (Spevigo°) dans les poussées de psoriasis avec pustules. Dans cette maladie de peau plutôt rare, selon un petit essai sur 53 patients, le médicament fais disparaître les pustules chez un peu moins d’un malade sur deux. Mais diminue-t-il le risque de complications à long terme ? Et combien de complications provoque-t-il, en raison de son effet immunosuppresseur ? Attendons d’en savoir plus.
- maralixibat (Livmarli°) et syndrome d’Alagille. Cette maladie génétique rare provoque de nombreux troubles, dont une envie de se gratter parfois intense. Dans un petite essai sur 29 enfants, cette envie de se gratter a augmenté après l’arrêt du médicament. C’est une donnée insuffisante pour affirmer que ce traitement est utile, d’autant qu’il peut provoquer des troubles digestifs parfois sévères. Attendons plus d’informations.
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Mauvaises nouvelles : 0
Rien en mars 2024
Bonnes nouvelles : 0
Rien en mars 2024
Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.
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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023
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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2024 ; 44 (485) : 167-187.
2-Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.
Crédits photo :
Image n°1 : "Omega 3 capsules" par Rawdonfox sur Flickr (recadré).
Image n°2 : "Pain" par Stanley Zimny sur Flickr (recadré)