Pros : Prescrire, nov. 2022 : médicaments utiles et inutiles

Par le 10 janvier 2023, actualisé le 12 Fév 23.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de novembre 2022.

POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de novembre 2022 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en novembre 2022

Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en novembre 2022

Apporte quelque chose : 0 (zéro) - apport limité

Rien en novembre 2022

Éventuellement utile : 1 (un) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- pegcétacoplan (Aspaveli°) dans certaines hémoglobinuries. Dans cette maladie rare où des globules rouges meurent prématurément (de sorte que de l'hémoglobine se retrouve dans les urines), le traitement comprend un médicament comme l'éculizumab et si besoin, des transfusions sanguines. Le pegcétacoplan semble plus efficace que l'éculizumab pour diminuer les besoins en transfusions, mais il provoque des effets indésirables graves, comme des infections parfois mortelles. Il est à réserver aux cas d'échec de l'éculizumab.

N'apporte rien de nouveau : 4 (quatre) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- sémaglutide (Wegovy° en stylos pour injections) dans les excès de poids. La perte de poids repose sur un ensemble comprenant une alimentation équilibrée adaptée, une augmentation de l'activité physique et une aide personnalisée, voire, dans certains cas, une chirurgie de l'estomac (chirurgie bariatrique). Le sémaglutide permet une certaine perte de poids mais elle semble au moins en partie réversible à l'arrêt du traitement. On n'a pas de preuve d'une diminution des complications du surpoids (notamment cardiovasculaires). Il provoque parfois des effets indésirables graves (notamment digestifs). En attendant d'en savoir plus, mieux vaut s'en passer.

- vaccins covid-19 à ARN bivalents ciblant aussi le variant Omicron (Comirnaty Original/Omicron BA.1°, Comirnaty Original/Omicron BA.4-5°, Spikevax bivalent Original/Omicron BA.1°). Les personnes ayant reçu ces vaccins fabriquent plus d'anticorps dirigés contre le variant Omicron qu'avec les vaccins existant déjà. Mais on ignore si cela les protège réellement mieux contre les formes graves de Covid.

- bimékizumab (Bimzelx°) dans le psoriasis en plaques. Dans cette maladie de peau assez courante, le bimékizumab (un immunodépresseur) n'a pas été comparé au traitement de premier choix, à savoir le méthotrexate.

- diroximel fumarate (Vumerity°) dans certaines scléroses en plaques. Dans les scléroses en plaques (SEP) évoluant par poussées, aucun essai comparatif n'a comparé le diroximel fumarate à son cousin germain, le diméthyle fumarate, ni à l'interféron bêta.

Début 2023, il n'existe toujours aucun médicament qui soit à la fois
efficace pour perdre du poids et diminuer les conséquences de l'obésité
et sans effet indésirable grave, voire mortel.

Pas d'accord : 4 (quatre) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains

- roxadustat (Evrenzo°) dans les anémies des insuffisances rénales chroniques. Il n'est pas démontré que le roxadustat est plus efficace que les époétines (médicaments existant déjà) pour réduire les anémies des malades d'insuffisance rénale chronique. Mais il semble augmenter le risque de mourir, en particulier chez les dialysés.

- icosapent éthyl (Vazkepa°) en prévention cardiovasculaire. Ce médicament a été testé dans un seul essai chez des personnes ayant une augmentation des triglycérides (qui accroît le risque cardiovasculaire) et prenant un médicament de la famille des statines. L'icosapent éthyl a semblé diminuer un peu la mortalité cardiovasculaire, mais pas la mortalité totale. C'est un résultat fragile, car l'essai n'était pas parfait, et les résultats détaillés n'ont pas été publiés. De plus, il n'y a pas eu de bénéfice chez les personnes n'ayant jamais eu d'infarctus ou d'accident vasculaire cérébral. Or l'icosapent éthyl peut provoquer des effets indésirables graves. Mieux vaut lui préférer une alimentation méditerranéenne.

- luspatercept (Reblozyl°) dans les anémies dues à un syndrome myélodysplasique. Dans cette maladie, la multiplication de cellules tumorales dans la moelle osseuse détruit les cellules à l'origine des globules rouges. Lorsque les médicaments époétine ne sont pas assez efficaces, le luspatercept permet peut-être de diminuer le nombre de transfusions (sans certitude), sans diminuer les symptômes de l'anémie. Et ses effets indésirables sont nombreux et parfois graves.

- luspatercept (Reblozyl°) dans les anémies dues à une bêta-thalassémie. Dans les thalassémies, une anomalie génétique modifie l'hémoglobine et fragilise les globules rouges, provoquant une anémie. Le luspatercept permet peut-être une petite diminution des transfusions sans amélioration de la qualité de vie, au prix de nombreux effets indésirables : fatigues, troubles respiratoires, hépatiques, digestifs et rénaux (parfois mortels), infections, voire cancers.

La rédaction ne peut se prononcer : 0 (zéro)

Rien en novembre 2022


Mauvaises nouvelles : 2 (deux)

- Toujours pas de tramadol buvable adapté pour les enfants. Le tramadol est un antidouleur dont l'efficacité est mal établie chez les enfants. La solution buvable commercialisée en France est fortement dosée, et son compte-goutte est source d'erreurs (confusion entre le nombre de gouttes par prise et le nombre de gouttes par kilo et par prise). Ces erreurs ont été à l'origine de surdoses avec des conséquences graves : convulsions, comas, détresses respiratoires, et même morts. Une solution moins dosée serait moins dangereuse, mais les autorités se sont contentées d'ajouter un avertissement sur les boites.
- l'amfépramone toujours pas retirée du marché européen. Ce médicament est un dérivé de l'amphétamine. Malgré sa faible efficacité dans l'obésité et ses effets indésirables (peu différents de ceux du Mediator°), du fait des recours de l'industriel du médicament qui le fabrique, il n'est toujours pas retiré du marché de tous les pays européens. Heureusement, on ne peut plus le trouver en France.


Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.


a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.


Lire aussi :


Sources :
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2022 ; 42 (469) : 805-822.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.

Crédits photo :
Image n°1 : "Prescrire 2022 11" Copyright Jean Doubovetzky
Image n°2 : "Trade * Obésité n°1" par Lilla67 sur Flickr

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, nov. 2022 : médicaments utiles et inutiles" ; 10 Jan 2023 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-actualites/pros-prescrire-nov-2022-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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