Pros : Prescrire, novembre 2023 : médicaments utiles et inutiles

Par le 27 janvier 2024, actualisé le 27 Jan 24.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de novembre 2023.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de novembre 2023 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : Aucun - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en novembre 2023

Intéressant : Aucun - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en novembre 2023

Apporte quelque chose : 1 - apport limité

- osimertinib (Tagrisso°) dans le traitement adjuvant de certains cancers des bronches. La rédaction Prescrire n’avait pas pu se prononcer en 2022. Mais selon un essai récent, parmi des patients atteints de certains cancers des bronches (dits « non à petites cellules », avec certaines mutations du gène EGFR), 88 sur 100 ont survécu au moins 5 ans avec ce traitement, contre 78 avec un placebo. Ce qui n’est pas négligeable, malgré les risques d’insuffisance cardiaque, de pneumopathie et de maladie du sang.

Éventuellement utile : 1 - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- trastuzumab déruxtécan (Enhertu°) dans certains cancers de l’estomac. Dans certains cancers gastriques (HER-2 positifs), après échec d’au moins deux chimiothérapies (dont une avec trastuzumab), le trastuzumab déruxtécan semble prolonger la durée de survie d'environ 3 mois et demie. Au prix d’effets indésirables graves (insuffisances cardiaques, pneumonies, diarrhées graves, maladies du sang, etc.)

N'apporte rien de nouveau : 4 - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- tildrakizumab seringue 200mg et stylo 100 mg (Ilumetri°) contre le psoriasis en plaques. Nouveau dosage à 200mg sans démonstration d’une meilleure efficacité. Nouvelle présentation en stylo peut-être plus pratique que les seringues.
- voxélotor (Oxbryta°) dans la drépanocytose. Dans cette maladie génétique où une partie de l’hémoglobine des globules rouges est anormale, le voxélotor permet de ralentir la baisse de l’hémoglobine dans le sang. Mais il n’est pas démontré qu’il diminue le risque de crise aiguë, de transfusion sanguine, de troubles digestifs ou de réaction cutanée. Fin 2023, le traitement repose toujours sur l’hydroxycarbamide et les transfusions.
- extrait de pollen d’ambroisie en comprimés sublinguaux (Ragwizax°) dans la rhinite allergique (enfants de 5 ans ou plus). Dans le "rhume des foins" des enfants, la désensibilisation par voie injectable est très peu efficace et fait courir un risque de réaction allergique grave, voire mortelle. Malheureusement, l’extrait de pollen d’ambroisie en comprimés à laisser fondre sous la langue a une efficacité minime chez les adultes, et … ne fait guère mieux chez les enfants. Alors que les risques d’effets indésirables est élevé (82 %!) et qu’ils sont parfois graves (réactions d’hypersensibilité). À éviter, donc.
- amivantamab (Rybrevant°) dans certains cancers bronchiques. Dans la petite minorité de cancers bronchiques dits « non à petites cellules » avec mutation EGFR par insertion dans l’exon 20, ce médicament n’a pas fait l’objet d’essais comparatifs, de sorte qu’on ne peut pas affirmer qu’il permet d’améliorer la santé, et notamment d’allonger la durée de vie. De plus, ses effets indésirables sont parfois graves.

Chez les enfants âgés de 6 mois à 5 ans, il n’est pas démontré que les vaccins
à ARN contre le covid-19 sont efficaces pour diminuer le risque de covid grave.

Pas d'accord : 0 - Aucun

Rien en novembre 2023

La rédaction ne peut se prononcer : 1

- pembrolizumab (Keytruda°) après chirurgie de certains cancers du rein. Le médicament pourrait allonger la durée de vie, mais l’essai réalisé ne permet pas de l’affirmer. Or il peut provoquer des effets indésirables graves, parfois mortels. Attendons d’en savoir plus pour juger.

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Mauvaises nouvelles : 1

- Vaccins covid-19 à ARN messager chez les enfants de 6 mois à 5 ans. Chez les enfants de cet âge, les vaccins anti-covid permettent de diminuer le risque de covid-19 avec symptômes. Deux à trois mois après la 2e ou la 3e dose, le vaccin tozinaméran a fait passer le risque de covid-19 avec symptômes de 3,5 % à 1 % dans un essai et le vaccin élasoméran l’a fait passer de 7 % à 4 % dans un autre essai. Mais le risque de covid-19 grave n’a pas été évalué, ce qui est très regrettable, parce que c’est le point important, avec le risque d'effet indésirable, qui semble modéré.

Bonnes nouvelles : 2

- crizanlizumab (Adakveo°) : retrait de l’autorisation pour prévention des crises vaso-occlusives de la drépanocytose. Dans cette maladie génétique, une anomalie de l’hémoglobine conduit à la destruction d’un certain nombre de globules rouges, et parfois à l’obstruction de certains vaisseaux sanguins : les crises vaso-occusives. La rédaction Prescrire n’avait pas été convaincue de l’intérêt de la mise sur le marché du crizanlizumab en 2020, car les résultats du seul essai comparatif alors connu n’étaient pas démonstratifs. Un second essai n’a finalement pas montré que le médicament état capable de diminuer le risque de crises vaso-occlusives, alors que ses effets indésirables sont parfois graves. Son retrait du marché est donc bienvenu.
- fentanyl par voie nasale (Instanyl° DoseGuard°) : une présentation moins dangereuse, enfin ! Le fentanyl est un antidouleur dérivé de l’opium. Il est commercialisé depuis les années 2010 sous forme de spray nasal pour lutter contre les accès de forte douleur – bien qu’il ne soit pas démontré qu’il fasse mieux que la morphine en comprimés (qui devrait rester le traitement habituel fin 2023). En 2010, les sprays ne comportaient pas de bouchon-sécurité, ni de compteur de dose, ni de blocage empêchant les prises trop rapprochées. Fin 2023, ces améliorations ont enfin été apportées. Elles ne sont pas parfaites, mais c’est un progrès. Mieux vaut la forme Instanyl° DoseGuard° que la forme Pecfent° qui contient le même médicament mais dont la présentation est moins sûre.

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (réf. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.

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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- La médecine n'a pas pour but de guérir des maladies
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Des médicaments à ne pas utiliser : 2023

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Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2023 ; 43 (481) : 805-824.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624.

Crédits photo :
- Image n°1 : "Pharmacy" par Analogicus sur Pixabay.
- Image n°2 : "Covid-19" par Prachatai sur Flickr (recadré)

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, novembre 2023 : médicaments utiles et inutiles" ; 27 Jan 2024 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-novembre-2023-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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