Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de octobre 2022.
POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.
En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro d'octobre 2022 (réf. 1).
Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".
Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis
Rien en octobre 2022
Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites
Rien en octobre 2022
Apporte quelque chose : 0 (zéro) - apport limité
Rien en octobre 2022
Éventuellement utile : 4 (quatre) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime
- pitolisant (Ozawade°) dans la somnolence de jour liée aux apnées du sommeil. Les apnées du sommeil provoquent des micro-réveils qui peuvent être à l'origine d'accès de somnolence ou d'endormissement dans la journée. Le traitement repose sur une aide à la ventilation (au masque) pendant la nuit. Lorsque cette aide est insuffisante ou lorsqu'elle est mal supportée ou refusée par les patients, le pitolisant semble diminuer la somnolence dans la journée chez une minorité de personnes, aux prix de nombreux effets indésirables.
- setmélanotide (Imcivrée°) dans certaines obésités génétiques rares. Certains déficits génétiques provoquent une sensation de faim permanente avec obésité et des troubles hormonaux. Dans ces situations rares, à court terme (sur un an), le setmélanotide (injectable) diminue la sensation de faim, permet une perte de poids et améliore la qualité de vie. On ne sait pas ce qui se passe ensuite, ni s'il y a une diminution des complications de l'obésité.
- glécaprévir + pibrentasvir (Maviret°) dans l'hépatite C à partir de l'âge de 3 ans. Efficace chez la plupart des enfants, comme les associations contenant du fosfobuvir, avec une durée de traitement plus courte (8 semaines au lieu de 12).
- cénobamate (Ontozry°) dans les crises d'épilepsie partielles. En cas de crises convulsives partielles qui ne touchent qu'une partie du corps, lorsque le traitement n'est pas assez efficace, l'ajout de cénobamate diminue le nombre de crises, et les fait même disparaître dans 10 à 20% des cas, du moins à court terme. Mais ses effets indésirables (notamment neuropsychiques) sont fréquents.
N'apporte rien de nouveau : 4 (quatre) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles
- extraits allergéniques standardisés d'acariens de la poussière de maison (Orylmyte°) dans la rhinite allergique. Ce médicament à base extraits d'allergènes en comprimés à laisser fondre sous la langue est à peine plus efficace qu'un placebo pour lutter contre les rhinites allergiques. Rien ne montre qu'il soit plus efficace ou moins risqué que les autres traitements de désensibilisation qui existent déjà.
- ixékizumab (Talz°) dans le psoriasis en plaques des enfants et adolescents. Cet immunosuppresseur n'a malheureusement pas été comparé au méthotrexate, qui est le traitement de premier choix dans cette maladie de peau (lorsque ce traitement est jugé nécessaire).
- cémiplimab (Libtayo°) en première chimiothérapie dans certains cancers bronchiques. Cet immunostimulant a permis des survies plus longues qu'une chimiothérapie par sel de platine, mais il n'a pas été comparé au pembrolizumab, l'immunostimulant de référence dans cette situation.
- fluorouracil en crème à 40 mg/g (4%) (Tolak°) dans la kératose actinique. Les traitements de cette maladie de peau liée à l'exposition au soleil ont surtout une efficacité esthétique. Il n'est pas démontré que la crème à 4% est plus efficace ou moins risquée que la crème à 5% qui existe déjà.
Pas d'accord : 1 (un) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains
- rélugolix + estradiol + noréthistérone (Ryeqo°) dans les fibromyomes de l'utérus. Les fibromyomes sont des tumeurs bénignes de l'utérus. Ils peuvent notamment provoquer des saignements génitaux et des douleurs. Après la ménopause, leur croissance s'arrête, et les symptômes restent diminuent ou disparaissent. Le traitement est chirurgical, ou fait appel à des dérivés de la progestérone. Le rélugolix est un antiestrogène, qui provoque une ménopause artificielle. L'estradiol lutte contre ses effets indésirables, et la noréthistérone lutte contre les effets indésirables de l'estradiol. Un peu comme dans un traitement hormonal de la ménopause, avec ses risques de maladie cardiovasculaire et de cancer. Tout ça pour une diminution des saignements à court terme, sans certitude d'effet à long terme. Un pari bien risqué… La revue Prescrire estime qu'il vaut mieux s'en tenir aux traitements mieux éprouvés.
La rédaction ne peut se prononcer : 0 (zéro)
Rien en octobre 2022
Mauvaise nouvelle : 1 (une)
- Maintien sur le marché du méthocarbamox (Lumirelax°) en crème et en comprimés, dans les contractures musculaires douloureuses. En 2019, la commission chargée de l'évaluation des médicaments de l'agence française du médicament avait conclu qu'il fallait retirer ce médicament du marché en raison de risques plus importants que ses bénéfices. Depuis plusieurs année, la rédaction Prescrire le fait aussi régulièrement figurer parmi les médicaments plus dangereux qu'utiles. En effet, son efficacité "relaxante des muscles" (myorelaxante) est incertaine, alors que ses effets indésirables sont bien réels. En 2022, contre l'avis de sa propre commission, l'ANSM a pourtant décidé de ne pas le retirer du marché. Sans donner la moindre explication. C'est donc aux soignants de ne pas le prescrire, et aux patients de ne pas le réclamer…
Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.
a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Incertitude
- Quatre histoires de placebos ou de nocebos
- Des médicaments à ne pas utiliser
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Sources :
1- Prescrire rédaction "Rubrique : Rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2022 ; 42 (468) : 724-743.
2- Prescrire rédaction "Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 621-624
Crédits photo :
- Image n°1 : "Remedies" par Glen Bledsoe sur Flickr
- Image n°2 : "Diana no wrinckle cream" par Shipbrook sur Flickr
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