Pros : Prescrire, sept. 2022 : médicaments utiles et inutiles

Par le 10 novembre 2022, actualisé le 11 Jan 23.

Chaque mois, la revue indépendante Prescrire passe en revue les médicaments nouvellement commercialisés, ainsi que les nouvelles indications de médicaments déjà sur le marché. Elle en discute les mérites et démérites, par comparaison avec les autres traitements disponibles. Voici les médicaments qu'elle a examinés dans son numéro de septembre 2022.

POUR LES PROS :
L'article qui suit est complexe, et traite de maladies relativement rares. Il intéressera surtout les professionnels de santé, ainsi que les personnes atteintes par ces maladies et leurs proches.

En France comme dans de nombreux autres pays, pour commercialiser un médicament, il faut démontrer qu'il est plus efficace qu'un placebo (a). Ses bénéfices potentiels doivent aussi sembler supérieurs à ses effets indésirables.
La rédaction Prescrire compare les effets cliniques des médicaments à ceux des autres traitements disponibles et les classe en 6 catégories, en fonction de leur utilité. Voici les évaluations Prescrire des nouveaux médicaments dans le numéro de septembre 2022 (réf. 1).

Les médicaments sont nommés par leur dénomination commune internationale, autrement dit, par le nom que leur donne l'OMS (sans majuscule, en italiques). Le nom de marque est éventuellement indiqué entre parenthèses et marqué d'une majuscule et du signe °. Lire à ce sujet l'article "Le véritable nom des médicaments".

Bravo : 0 (zéro) - progrès thérapeutique majeur dans un domaine où nous étions démunis

Rien en septembre 2022

Intéressant : 0 (zéro) - progrès thérapeutique important, mais avec certaines limites

Rien en septembre 2022

Apporte quelque chose : 0 (zéro) - apport limité

Rien en septembre 2022

Éventuellement utile : 2 (deux) - intérêt thérapeutique supplémentaire minime

- pembrolizumab (Keytruda°) dans certains cancers de l'œsophage. Dans le seul essai à visée démonstratif disponible, l'ajout de pembrolizumab à une chimiothérapie a allongé la durée de vie qui est passée d'environ 9 mois à environ 13 mois. Au prix d'effets indésirables graves.
- vénétoclax (Venclyxto°) dans la leucémie myéloïde aiguë. Dans un essai, l'ajout de vénétoclax à une chimiothérapie a augmenté la durée de vie (15 mois au lieu de 10). Mais il a aussi augmenté certains effets indésirables pénibles.

Est-ce une impression ? De nombreux médicaments
récemment commercialisés sont destinés au traitement de cancers,
et ils semblent souvent mal évalués ou peu efficaces.

N'apporte rien de nouveau : 7 (sept) - substance sans plus d'intérêt clinique que les autres substances déjà disponibles

- davipirine en anneau vaginal (Davipirine vaginal ring°) dans la prévention des infections à HIV. C'est un anneau à mettre en place dans le vagin pour 28 jours. Selon un essai très imparfait, cet anneau diminue le risque d'être contaminé par le HIV en cas de relations sexuelles avec un partenaire HIV positif chez qui la charge virale persiste. Mais cette diminution est-elle aussi importante qu'avec l'association emtricitabine + ténofovir, habituellement utilisée dans cette indication ? On ne le sait pas encore...
- nivolumab (Opdivo°) dans le traitement de certains cancers de l'œsophage. Après chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie, l'ajout de cet immunostimulant n'augmente pas la durée de vie. Il ralentit l'apparition des rechutes, mais au prix d'effets indésirables graves.
- cabozantinib (Cabometyx°) + nivolumab (Opdivo°) dans le cancer du rein avancé. Cette association n'a pas été comparée aux autres associations déjà commercialisées dans la même indication : impossible de savoir si elle est meilleure ou pas.
- caplacizumab (Cablivi°) dans le purpura thrombotique thrombopénique acquis des adolescents. Sans traitement, cette maladie rare est presque toujours mortelle en quelques jours. Elle est due à des caillots sanguins se formant dans divers organes. Le caplacizumab a été autorisé chez les adolescents à partir des données obtenues chez les adultes, sans essai supplémentaire. On ignore donc son efficacité réelle.
- isatuximab (Sarclisa°) + carfilzomib + dexaméthasone dans le myélome multiple. Dans ce cancer de certaines cellules qui donnent normalement naissance aux cellules sanguines, après échec d'un premier traitement, cette association n'a pas allongé la vie, et elle provoque des effets indésirables graves.
- carfilzomib (Kyprolis) + daratumumab + dexaméthasone dans le myélome multiple. Après un premier échec de traitement, on ne sait pas ce qu'apporte éventuellement le carfilzomib dans cette situation, en l'absence d'essai comparatif pertinent.
- brivaracétam (Briviact°) dans l'épilepsie partielle à partir de l'âge de 2 ans. Encore une extension d'autorisation chez les enfants sans essai clinique. Les effets ont été déduits de ceux observés après l'âge de 16 ans...

Pas d'accord : 0 (zéro) - aucun avantage évident, mais des inconvénients possibles ou certains

Rien en septembre 2022

La rédaction ne peut se prononcer : 3 (trois)

- pembrolizumab (Keytruda°) dans certains cancers du sein. Dans certains cancers du sein avec des caractéristiques particulières, l'ajout du pembrolizumab (un anticorps immuno-stimulant) à une chimiothérapie semble allonger la durée de vie par rapport à un placebo. Mais le seul essai disponible n'est pas terminé, et les effets indésirables sont sévères, parfois mortels : attendons d'en savoir plus.
- osimertinib (Tagrisso°) dans le traitement de certains cancers bronchiques. Ce médicament diminuerait le risque de récidive par comparaison avec le placebo mais... il s'agit d'une analyse non prévue au protocole et effectuée avant la fin de l'essai : pas assez fiable.
- idécabtagène vicleucel (Abecma°) dans le myélome multiple. Après échec de plusieurs autres traitements, selon un essai non comparatif, il est possible que ce médicament augmente les chances de survie. Mais il faudra attendre un essai comparatif pour en savoir plus.

Je recommande à tous les professionnels de santé de ne pas se contenter des informations limitées de ce blog et d’aller lire les arguments détaillés à la source.

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a- Un placebo est "une substance sans principe actif (= sans effet pharmacologique) mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique pour le patient" ou encore (autre définition) "une préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo" (ref. 2). À noter qu'un placebo ou un médicament peut aussi avoir des effets négatifs, et provoquer des effets indésirables : c'est l'effet nocebo.
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Lire aussi :
- Les objectifs des traitements et des diagnostics
- Traitements : les essais comparatifs sont indispensables
- Incertitude
- Quatre histoires de placebos ou de nocebos
- Des médicaments à ne pas utiliser

Sources
1- Prescrire Rédaction “Rubrique : Le rayon des nouveautés" Rev Prescrire 2022 ; 42(467) : 645-655.
2- Prescrire Rédaction “Essais cliniques versus placebo : divers types de placebos, dits purs, impurs voire faux placebos" Rev Prescrire 2020 ; 40(442) : 621-624.

Crédits photo :
Image n°1 : "Drug dealers" par Geoff Hanson sur Flickr
Image n°2 : "Tackling tumors with space station research" par NASA sur Flickr

Rédigé par sans lien d'intérêt, notamment avec les firmes pharmaceutiques, leurs officines de communication, l'assurance maladie et les compagnies d'assurance ou mutuelles.

CITER: Jean Doubovetzky "Pros : Prescrire, sept. 2022 : médicaments utiles et inutiles" ; 10 Nov 2022 ; site internet Anti Dr Knock (https://anti-knock.fr/blog-medicaments/pros-prescrire-sept-2022-medicaments-utiles-et-inutiles/)
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